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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VI

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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VI

Chapitre VI : Edmonde

L’offre était galante, j’ aurais voulu remercier de même, mais déjà Gracchus revenait avec la grande pine ; ce furent des cris de joie, qui me coupèrent la parole, quand on vit l’engin couché mollement sur l’or d’une peau de phoque, dans une longue bassine, laquelle posait à son tour sur un plat de glace pilée, afin d’éviter, durant les préparatifs, le moindre fâcheux amaigrissement . Ganté de laine, je pris la pine par les couilles et la soupesait ; elle tenait dans la main comme l’un de ces gros Colt frontière qui envoient leur balle dans l’oeil d’un alligator aussi rigoureusement qu’une carabine. Viola m’ayant prêté un petit mètre serpentin qu’à des fins (je suppose) effrontées elle avait dans sa chaussette, je mesurai mon arme avant le la remettre au frais : trente-neuf centimètres de long, vingt-quatre de tour au milieu de la branche et vingt-cinq au plus large du gland lui faisaient un calibre assurément redoutable(1). Cependant Edmonde, résignée puisque les pleurs n’avaient à rien servi, passait aux mains des nègres pour l’arrangement du sacrifice.

Edmonde était une fort belle fille, quoique d’une beauté un peu mûre : les cheveux d’un châtain presque noir, l’oeil brun doré, la peau très mate, la lèvre assombrie d’un duvet, les traits et le reste classiques, le cul tout à fait grandiose. Elle était vêtue comme d ’une longue chemise mauve, fendue loin sous les bras pour laisser la gorge et les aisselles dans le domaine public ; elle avait aux jambes (Michelette étant dans notre sérail la seule à porter des bas ) des chaussettes vertes avec de grands iris rouille. Tout cela fut placé à mon intention sur l’un des canapés de table, dont l’on avait rabattu les bras et le dossier afin de le transformer en une sorte de banquette, et l’on attacha raidement les poignets et les chevilles de la femme aux quatre pieds du meuble ; un coussin supplémentaire, sous son ventre, l’obligeait à me faire beau cul, ce que de toute façon elle eût été bien embarrassée de ne pas consentir.

Mon tour étant venu d’opérer, ils me donnèrent un couteau, et à partir du bas je fendis la chemise jusqu’à la taille, puis je déchirai à droite et à gauche pour découvrir entièrement le cul. Ce fut un ravissement. Car la forme, oui , je l’avais remarquée ; mais rien dans la matière du visage, des épaules ou des bras n’eût fait présumer l’éclat et la blancheur de ce cul, dont saillait majestueusement la double coupole ainsi qu’un grand ballon de sucre, sous le goulot d’une taille fine. Pas une ride, pas un pli, pas un grain n’en venait gâter la rondeur admirable, et pour le lisse et pour la fermeté c’était beaucoup mieux que du marbre très pur, si cela faisait songer aussi à certaines cathédrales d’Italie. Les plus sublimes fesses, en vérité, que j’eusse jamais vues !

Entre elles deux, un pelage très noir, assez pareil à de l’astrakan, dessinait avec vigueur l’amorce de la raie culière. Pour teinter d’orange les deux belles mappemondes pâles, je leur donnai quelques petites claques, qui produisirent l’effet voulu ; et je ne résistait pas au désir de poser ma bouche sur la jolie rosette qui se tendait vers moi.
Ne me fait pas trop mal ; je serai toute à toi quand tu voudras, comme tu voudras, entendis-je alors qu’on me disait à voix basse.
Mais, l’offre, étant donné la situation de la marchande, était tellement comique que je ne pouvais qu’en rire. Au même instant Montorgueil m’exhortait à  »défoncer cela sans préparation ».

Je saisis la grande pine de glace, l’assurai bien dans ma poigne ; j’appuyai le bout au centre du trou du cul. Il y eut rétrécissement immédiat, et la rosette, qui s’était épanouie pour mes lèvres, se fronça comme si l’on avait tiré sur un fil ( je pensai aussi à une anémone de mer qui se ferme). Puis les fesses commencèrent à trembler, les cuisses eurent cet aspect grenu que l’on nomme  »chair de poule ». J’essayai de pénétrer en faisant tourner la pine comme un vilebrequin, mais la peau de l’anus, collée à la glace, tournait avec elle, et cela ne faisait que rétrécir encore le trou. Alors, pour détacher mon instrument, je le retirai d’un geste sec ; Edmonde geignit, et je vis un peu de sang sur le gland hyalin de la pine.
Poussez donc , dit Montorgueil ; ne laissez pas fondre la pine.
Et à Edmonde :
Tu n’as qu’à ouvrir le cul, cela entrera tout seul.
Vigoureusement cette fois, puisqu’on me l’ordonnait, je poussai l’instrument ; la contraction musculaire au contact du corps froid était si forte que je ne réussis qu’à faire saigner davantage, et le plaintes devinrent des hurlements de douleur.
- Tu peux crier, bougresse idiote, dit Montorgueil. Il en faut plus que çà pour me faire bander.

Selon ma nature, au contraire, c’était très suffisant : ma queue se tenait toute droite dans mon caleçon, et Viola la flattait de la main ainsi que l’on flatte un furet. Pourtant, comme le cul résistait à tous mes efforts et que l’engin avait arraché un lambeau de tissu rosâtre qui était probablement de la muqueuse intestinale, mon amie, pour éviter de plus grands maux, alla prendre sur la table un huilier qu’elle me donna, malgré les protestations du maître du logis.

Quand j’eus versé de l’huile sur le trou du cul et dans le creux de la raie, j’approchai un indexe baigné aussi de lubrifiant. Chose extraordinaire, dès qu’elle eut senti qu’il s’agissait de chair humaine et non plus d’eau congelée, la rosette se déplia, s’ouvrit comme une bouche, happa mon doigt bien plutôt qu’elle ne cédait à la pression. J’enculai jusqu’au poing, pour bien graisser l’intérieur du boyau. Ensuite je fis couler ce qui restait d’huile sur la grande pine, et puis, d’une main tenant la rose ouverte, de l’autre j’enfonçai le gland brutalement dans le calice. La patiente hurla de nouveau, son corps se tordait sur la banquette, ses reins tremblaient, je crois qu’elle souffrait horriblement ; l’anus en tout cas, était dilaté comme je suis sûr que rarement l’avait fait un vit de nègre, jamais le plus copieux étron, et le sphincter follement se resserrait sur mon bélier de glace. Profitant du récent huilage, et pour éviter, si je laissais la pine immobile, qu’elle n’adhérat encore à la muqueuse, je poussai l’engin sans rémission jusqu’à ce que les couilles se fussent incrustées dans la peau des fesses.
Bon, dis-je en me redressant ; voilà qui est fait. Le cyclope est aveugle.
Et Montorgueil :
Vous avez bien opéré. Mais la bougresse a eu de la chance de tomber entre vos mains. A votre place, je n’aurais pas été si galant ; et qu’elle fit de la salade autant qu’elle voulût, c’est de vinaigre plutôt que d’huile que je l’eusse assaisonnée, moi.

Pauvre Edmonde ! Tous les visages étaient penchés sur ton cul. Nul n’avait voulu perdre le moindre détail de tes souffrances, et tandis que tes cris tournaient au râle d’une bête que l’on égorge, tandis que sous la terrible brûlure intérieure, peu à peu, tu perdais conscience et que ton corps prenait cette apparence crayeuse et molle qui est celle des cadavres frais, nous regardions couler entre tes fesses un filet de sang et d’eau qui mouillait le tissu de la banquette.
Si furieusement me pressait le spectacle de cette petite mort que j’écartai de ma queue la main de Viola, pour ne pas décharger, bêtement, dans ma culotte ; et je considérais mes voisines, hésitant si je lâcherais cela en cul, en bouche ou en con. Alors j’entendis tinter un éclat de rire, cristallin et sot comme au pensionnat quand la maîtresse a cassé ses lunettes. C’était Michelette, qui de la permission de boire et de manger avait profité jusqu’à s’étourdir, et qui ne se tenait plus de joie.
Edmonde a un glaçon dans le trou du cul et elle est toute blanche, cria-t-elle très haut, entre deux crises.
Cette petite est bien gaie, dit l’Allemande. On n’entend qu’elle.
Chère amie, lui dit Montorgueil, vous qui avez suivi les cours d’instruction prématernelle en usage dans votre pays, ne sauriez vous pas un moyen efficace à faire taire les enfants bruyants ?
L’Allemande vexa Michellette d’un bon coup de fleuret à la nuque, derrière Montorgueil, et elle dit quelques mots à l’oreille de notre hôte.
Foutrechaud ! S’exclama celui-ci, voilà qui est trouvé. La petite putain va avoir du goût. Et je ne me moquerai jamais plus de l’école prématernelle, si c’est de là que vous tenez vos méthodes.
Il vexa Michelette en lui tordant le nez et la jeta, qui pleurait, aux deux nègres, avec l’ordre qu’on la menât illico dans le salon des aquariums.

Montorgueil avec Luna de Warmdreck, moi-même entre la négresse et la mulâtresse, nous suivîmes le trio, laissant que dans sa posture incommode la belle Edmonde digérât en paix son glaçon ; et j’espérai qu’il y aurait du plaisir, et que je trouverais l’occasion de placer mon foutre quelque part.
Au rez-de-chaussée de la tour attenante, ce fut encore une pièce ronde, comme la salle de bains par où l’on montait dans ma chambre. Le pourtour en était de ces aquariums attendus selon l’ordre de mon ami, lesquels, séparés par un simple rang de galets, se trouvaient dans le mur à hauteur de poitrine ; et derrière eux des lampes de fond donnaient à la pièce un éclairage atténué par l’écran d’eau verdâtre. Là-dedans évoluaient des poissons et toutes sorte de bêtes marines, parmi de petits rochers moussus, des coquilles et des bouquets d’algues qui faisaient à peu près le décor que l’on aperçoit sous la mer, quand on regarde avec des lunettes de plongeur ; des bulles d’oxygène, interminablement, s’élevaient vers la surface. Tout de même que dans ma salle de bains, le centre de la pièce était occupé par un bassin circulaire, mais celui-ci, couvert d’un grillage en treillis de laiton, ne tenait pas plus de quelques décimètres d’eau sur un fond de gravier et de sable. Il y avait dans cette flaque une vingtaine de poulpes qui, sauf deux ou trois, ne dépassaient pas la taille de ceux que très communément l’on retire de certains trous de roche où les signalent un bouclier de cailloux, à marée-basse, sur les plages de Bretagne et de Normandie. Les plus gros, pourtant, remuaient des tentacules presque aussi longs qu’un bras de femme. Plusieurs étaient sortis de l’eau pour se coller sous le treillis, d’où les fit retomber, en les piquant de son fleuret, la jeune Allemande.

Enlevez le grillage, dit-elle aux nègres.

Et quand ils eurent obéi, s’adressant à Michelette que deux gifles brutales avaient mortifiée :
Regarde bien, petite merdeuse, dit-elle encore. Tu vas aller dans le trou ; cela t’apprendra à rire et à faire du bruit quand parlent les grandes personnes. Les pieuvres vont se jeter sur toi. Tu vas les sentir te mordre, te sucer le sang…

(à suivre)

(1) La nature a fait encore mieux, et l’on peut voir au musée d’anatomie pathologique de l’université de Strasbourg un vit long de 42cm, qui était l’ornement d’un tambour-major des armées de Napoléon.

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre V

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L’anglais décrit dans le château fermé.

Chapitre V : sustentations

Car la négresse et la mulâtresse m’avaient placé entre elles, d’autorité. Montorgueil, sur le voisin canapé, siégeait entre Luna et la petite Michelette. Le nègre Gracchus et le nègre Publicola encadraient Edmonde, mais ces trois-là sans cesse allaient et venaient de la salle à manger à la cuisine pour fournir au repas, et leur canapé se trouvait complet rarement.

D’abord, en guise de potage, nous eûmes un grand plat de laitances glacées sous Priape : je veux dire que dans le bassin d’argent elles étaient saupoudrées de piment rouge, de gingembre râpé, de safran, de sucre farine et d’un inconnue poudre bleue qui peignaient à leur surface des irisations fantastiques, et qu’au-dessus de ce tremblant arc-en-ciel on avait dressé un gros vit sculpté dans la glace, avec d’énormes couilles sur lesquelles il était braqué presque à la verticale, comme un canon anti-aérien sur son affût de campagne. Tel monument étant sorti des doigts d’Edmonde, on la félicita ; et puis les félicitations tournèrent à la bagarre sur le bon avis (donné par Luna) que l’enfant devait sodomiser sa mère, et qu’il fallait bouter le chef-d’œuvre dans le cul de l’artiste en l’y maintenant jusqu’à fusion totale. L’idée plaisait assez à la compagnie, cependant, puisque l’on avait besoin de la cuisinière et que les mets suivants, sans elle, auraient risqué de brûler, Montorgueil ordonna le sursis, et que l’on mît dans le réfrigérateur jusqu’à la fin du repas la grosse pine pour lui conserver ses dimensions majestueuses. Ce qui fut fait.

Affamé par mon voyage, ou peut être par le galant intermède, j’avais repris trois fois des laitances. Viola au contraire, faisait la petite bouche, ce qui ne lui allait pas mal.
C’est bon, dis-je. Tu n’aimes pas cela ?
Bah ! Du foutre de poisson, et froid, je laisse à Edmonde, qui est une mijaurée. C’est de foutre d’homme que je suis goinfre, moi ! Tu me donneras encore du tien, n’est ce pas, mon cher Balthazar ?
Je l’assurai que je l’en priverais pas, à d’autres heures, et j’écartai doucement sa main qui me touchait en voyou.

—     Chère suceuse, — s’écria Montorgueil, que la boisson avait un peu échauffé — fellatrice adorable, charmante petite bouffe-queue, tu ne manqueras jamais de foutre. Je te donnerai   des   hommes  à   traire   autant  que  tu voudras,  quand  ta  soif devrait  vider  les couilles de tous les mâles du canton, rendre stérile tout  le  pays,  dessécher toutes  les putains et toutes les épouses de la province…
Mais il me semble que voilà une odeur qui ne m’est pas inconnue. Ah, c’est de notre mets favori : des béatilles de merde à la Parisienne. Prenez vos verres, et que les remplisse un très vieux château-châlons, ce vin tellement délectable  qu’on ne  saurait le boire avec aucune autre espèce de nourriture. Je ne mange jamais de merde que d’abord je n’aie porté un toast à la France. Vive la France !
Il but et nous bûmes aussi.

Les Français sont des voleurs qui ont pillé partout les inventions des autres, protesta Luna. Manger de la merde est allemand. On en servait , avant la guerre, dans tous les bons restaurants de Berlin. De la merde d’oiseau, et precisement des tartines de merde de bécasse, j’accorde qu’il s’en trouvait à la carte de certains wein restaurants, mais c’est chose aussi française que la Béchamel, Mme de Sévigné, la Légion d’honneur ou le Concert Mayol qu’un beau plat de merde humaine. Je le dis sans parti pris, moi qui suis Anglais et dont les compatriotes préfèrent à tout les cancrelats grillés. Quant à la merde de négresse, en si suaves béatilles, avouez qu’il faut venir à Gamehuche pour en goûter. Vive la France !

Il but de nouveau, étranglé par une pointe d’étron, tandis que la jeune Candida le regardait avec un sourire modeste.

La merde était succulente. Je n’en pris pas moins que je n’avais pris de foutre de merluche ; j’en aurais pris davantage si les nègres ne l’avaient remportée. Vinrent alors des vulves farcies, que l’on me dit de génisses, et qui étaient pleines de tous les plus délicats ingrédients du monde selon les lois de la gourmandise. Très blanches, grasse comme de petits bateaux pneumatiques, elles flottaient sur un lit de sauce à la moelle. Les accompagnaient des asperges géantes, qu’Edmonde nous offrit une à une, en feignant des pudeurs. Dévoré de tout cela, les nègres revinrent de la cuisine avec deux plats de cervelle d’oiseaux de mer, qui me firent quelque peur, à première vue, par leur singulière ordonnance ; car chaque cervelle, entre noisette et noix pour la grosseur, était piquée sur un bec, et l’on prenait à la main le petit crâne (parfaitement nettoyé) de l’oiseau pour porter à ses lèvres la bouchée un peu crue sous la friture.

Mangez donc. Rien n’est si riche en phosphore, me dit Montorgueil choqué par ma défiance.

Pourtant, je ne suivis pas son conseil. Les cervelles avaient un arrière-goût d’huile de poisson qui me rebutait, et puis je pensais, non sans un malaise à l’idée d’une si copieuse tuerie, qu’il avait fallu certainement plusieurs centaines de goélands et de mouettes pour suffire aux deux plats. On se demandera pourquoi je n’avais pas pensé qu’il avait fallu quasiment une hécatombe pour garnir le bassin de vulves. La raison sans doute en est que les vulves étaient délicieuses, et nauséabondes les cervelles. Ces dernières, les nègre s’en montraient friands plus que de toute autre chose. Ils n’en laissèrent pas une dans l’un ou l’autre plat.

Quand on eut enlevé les crânes, Viola tira une langue à faire velours aux couilles et me dit que c’était maintenant le dessert. J’avais la tête à des fruits, à des gâteaux, et je me demandai si je m’étais saoulé sans prendre garde ou si je donnais dans les benoîtes illuminations quand je vis Gracchus et Publicola qui trébuchaient sous le faix d’un très grand bassin tout débordant des homards, de langoustes, de crabes, de crevettes. Non sans avoir risqué de laisser aller (c’était peut être comédie, mais nous étions bien dupes), ils le posèrent à la fin sur la table ; rien n’aurait pu si chinoisement couronner le rocher d’argent tiède que ce buisson monstrueux, partout hérissé de pinces , de brosses, d’antennes, de dards. Or la plus grande merveille était qu’à l’intérieur de toutes ces bêtes crustacés la cuisinière eût substitué à la chair salée des choses de confiserie, et en arrachant ou en émiettant les carapaces nous trouvions des crèmes bavaroises, des confitures de cédrat et de rose, des miels de sainfoin, des pâtes de marrons, des beurres de noix, de vanille et de chocolat, des fondants à la praline ou au café, des massepains de pistaches, du sucre en fleurs. Le plaisir de la bouche s’alliait à la bonne surprise et à l’ivresse de détruire. En peu de temps (mais pendant ce temps là j’avais englouti le contenu d’un petit homard, d’un crabe tourteau, de deux étrilles et d’une poignée de salicoques), le bassin fut presque vide. Nous ne parlions que pour annoncer, comme au jeu, ce qui nous était échu. Une vraie gogaille – quand la voix de notre hôte nous fit souvenir d’autres réalités.

Edmonde, avait -il prononcé, si j’étais toi je ne bâfrerais pas tellement et je penserais un peu à mon cul. Tu as beau avoir été mise à l’épreuve du braquemart de Caligula et de toutes les bites qui sont passées au château, cela ne va pas être drôle, sais-tu bien, d’avaler par derrière la grande pine de glace. On a vu des intestins perforés à moins que cela.

Grâce, je t’en prie ! Supplia l’intéressée. Punis-moi d’autre manière, si tu crois que je doive être punie. Ordonne que je sois enculée par tous ceux qui sont ici, par les femmes même, avec tes affreux godemiché. Fais-moi battre. Fais venir le chien. Tout ce que tu voudras plutôt que le glaçon.

Pas de grâce. Que nous soit sur-le-champ apportée la grande pine.

Et à moi , tandis que se levait Gracchus mandé au réfrigérateur :

C’est à vous, mon très cher Balthazar, qui serez l’exécuteur. La vedette vous est due, pour votre premier soir à Gamehuche. Surtout ne ménagez pas cette putain, vous me désobligeriez. J’exagérai tout à l’heure, en disant qu’elle nous est presque indispensable. Il n’y a personne ici qui ne puisse être remplacé du jour au lendemain, si notre plaisir l’exigeait ; et la grosse fille que voilà crèverait par votre faute que je serai charmé, croyez-le, de vous en avoir fourni l’amusement…

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre IV

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Chapitre IV : Distribution des cartes

Le jour inclinait au sombre , et je me demandais si Viola, déjà, ne m’avait oublié, lorsque j’entendis le bruit de ses pieds sur les marches. Elle portait le vêtement et la chaussure que je lui avais vus, mais soigneusement rajusté celui-là, et elle avait un collier de grosses mouches en or qui remuaient au bas d’un ruban vert. Peignée flou, le visage délicatement touché d’une poudre pervenche, les lèvres un peu cyclamen, je la trouvai encore plus jolie qu’auparavant. Elle me dit que l’on dînerait dans une demi heure, et qu’elle allait descendre avec moi dans la salle de bains pour me regarder pendant que je me laverais, car elle aimait bien voir les hommes à leur toilette.

Remontés après divers ébats mais qui étaient restés dans l’ordre de la plaisanterie, quand je voulus ouvrir mes valises, elle ne me le permit pas, et elle tira pour moi, d’un autre compartiment du coffre-divan, une chemise à volants froncés, de la plus fine toile qui jamais eût effleuré ma peau, et encore un caleçon de soie, mordoré comme le ventre des buprestes. Là-dessus elle me fit passer une robe de chambre en cachemire blanc teinté de rose, avec de grands revers châle et une cordelière. Des bas noirs et des pantoufles à boucles d’argent complétèrent mon habit de soirée.

Après avoir traversé la cour ( comme il pleuvinait, Viola, pour abriter nos fringues, ouvrit un de ces parapluies familiaux démesurés qui servent aux portiers d’hôtel ), nous entrâmes dans le grand bâtiment ovale ; et là nous fûmes dans une salle à manger où je reconnus tout de suite sir Horatio ( pardon, M. De Montorgueil ! ) qui avait le même costume que moi, quoique d’une couleur beaucoup plus franchement saumonée.

Bonsoir, Montorgueil, dit la mulâtresse en me poussant devant elle. Voilà ton ami Balthazar. Il bande beaucoup plus vite que toi, et son sperme a un petit goût de violette qui m’a rappelé la salade d’éperlans.
A ce que je vois, dit mon hôte,,vous n’avez pas mal employé votre temps depuis que vous êtes arrivé. Ne vous excusez pas ; je n’attendais pas moins de vous. Et permettez que moi aussi je vous appelle Balthazar, puisque c’est le caprice de notre jolie petite Viola.

Tel surnom, qui m’avait procuré d’agréables moments, je ne le reniai pas. Alors M.de Montorgueil, rapproché de moi, poursuivit :
Je suis vraiment heureux que vous ayez accepté mon invitation. Il s’agissait , si ma mémoire est bonne, de venir me rejoindre dans un lieu que (plaisamment) je vous disais situé hors du monde, et d’y être mon compagnon à de certains jeux et à de certaines expériences. Gamehuche a toutes les qualités de ce lieu idéal. La nuit, la marée haute et les courants qui font tourbillonner la mer autour de nos remparts, ces grands murs et les portes verrouillées à marée basse, le désert de l’arrière-pays, la crainte encore qui s’attache aux environs d’un donjon mal famé, suffisent à retrancher absolument notre château de la commune terre des hommes et à la soustraire à leurs lois. Vous êtes le premier, en dehors de moi-même et de mes quatre noirs, qui soit venu ici de son plein gré depuis que j’y habite ; j’ajouterai tout de suite que vous et moi sommes les seuls à pouvoir en sortir quand il nous plaira, pourvu que ce soit heure de basse mer.

»Je vous ai invité parce que j’ai pu me rendre compte, une fois, que vous étiez un homme sérieux ; je suis également un homme sérieux à mon point de vue ; vous savez comme moi, que notre espèce ne pullule pas à la surface du globe. C’est en très grande partie la légèreté et la frivolité de tous ceux là-bas qui m’ont porté à me venir fixer ici, et à m’y enfermer. Je n’ai presque jamais pu bander, par exemple, hors de chez moi. Et vaut-il l’effort de bander quand on ne peut sérieusement pousser à bout la partie ? Je trouve que non, quant à moi ; d’autant plus que ma nature est singulière, et qu’elle exige pour me faire décharger et débander bien plus de substance et de peine que pour me mettre en l’air. Nous aurons ici le jeu qui convient à des personnages tels que vous et moi.
»Avant toute chose, je veux vous familiariser avec nos acolytes et avec nos serviteurs, les pions du jeu.
En dehors de vous – dorénavant : Balthazar – et de moi – nommez moi Montorgueil tout rond – le château ne contient que deux hommes. Vous avez déjà vu le nègre Gracchus, qui est valet quand il ne fait rien de mieux. Le nègre Publicola, qui est plus grand et beaucoup plus fort que lui, valet aussi me sert encore d’expéditif. Une délicate fonction, dont il s’acquitte à merveille ; vous verrez plus tard en quoi cela consiste.
»Les hommes, pour ce qu’en feront, je crois, Balthazar et Montorgueil, n’ont pas besoin d’avoir un âge. C’est tout au contraire avec les pions féminins.
»Votre amie, la jeune Viola, a dix-sept ans depuis douze jours. Cette fille très noire, à côté d’elle, qui vous regarde en riant ( je gagerai que l’autre lui a parlé de votre queue ), s’appelle Candida : elle a dix-neuf ans et un corps parmi les plus jolis que sachent les amateurs de négresses.

»Melle Edmonde, que voilà, déclare trente ans ; c’est ce que l’on est convenu d’appeler une jeune fille du monde, et, dans ce monde-là, son renom était de posséder le plus beau cul de Paris et de savoir s’en servir. Ici, nous l’avons mise à la cuisine, parce qu’elle s’entend bien à cela, non moins qu’à d’autres petites choses plaisantes, qui nous l’ont rendue presque indispensable.

»Vous verrez tout à l’heure Melle Lune-borge de Warmdreck, que par souci de notre confort vocal nous avons nommée, moins rudement, Luna ; fille d’un prince Hanovrien, elle n’a pas passée vingt ans que de trois ou quatre mois. La petite, en ce moment, qui entre est Melle Michelette, qui a treize ans et qui est vierge. »
Celle-ci me regardait avec un air de crainte. Quand elle vit que Montorgueil ne disait plus rien, elle fit pour lui et pour moi une révérence de cour, à l’Allemande, qui était bien la chose la plus touchante et la plus ridicule qui se pût faire étant donné sa mise. Car la petite fille était vêtue en putain de bordel. Ses pieds trébuchaient sur des souliers à talons hauts, ses mignonnes jambes étaient gainées de bas noirs, qu’au ras des fesses arrêtaient des jarretières fleuries d’un œillet de soie rouge. Sans peine on distinguait le détail de son corps gracile, formé de peu, sous le voile assez transparent d’une demi chemise-culotte en crêpe de Chine rehaussé de dentelle mousseuse. Autour du cou, elle avait un ruban rouge, cramoisi comme les fleurs de ses jarretières. Sa bouche était peinte grassement, ses yeux étaient agrandis de fard, ses cils collés par la brosse à rimmel, ses sourcils allongés au crayon, ses cheveux décolorés. Derrière elle apparut une grande créature châtaine, qui était probablement Luneborge de Warmdreck et qui, pour éloigner l’enfant de nous, lui cingla durement les mollets d’un fleuret très souple que sa main faisait siffler dans l’air. Il y eut quelques larmes, quelques gouttes de sang, et sur les bas une déchirure incarnée dans le vif qui donnait envie de mordre la nuque ou de serrer le cou.

Pourquoi faut-il que cette petite aille toujours se fourrer dans les jambes des autres ? Dit Montorgueil, approuvant le geste.

Parce que la chatte lui démange. Rien n’est malsain comme un pucelage. Il se fait là-dedans des croûtes et de la grattouille, du fromage, de l’ordure ; les bêtes y vont pondre et nicher ; le cresson y pousserait. On se demande si tu n’es pas fou, Montorgueil, de n’avoir pas encore mis cela en perce. Tu finiras par nous faire prendre la gale ou les écrouelles, avec tes vierges.

Luna s’exprimait avec véhémence, et sa superbe n’était pas mal servie par le jeu de son unique vêtement : une longue robe de chambre en peau de panthère (ou mieux, si laineuse et si pâle en était la fourrure des léopards des neiges), dépourvue de boutons ou d’agrafes et de haut en bas fendue, ce qui me permit de constater que la jeune princesse, particularité peu fréquente, même chez les filles nobles, avait le poil du con exactement de la même couleur entre noisette et feuille morte que ses cheveux ou ses sourcils. Jambes nues, ses pieds nus posaient sur des sandales dorées. Les ongles de ses pieds, comme ceux de ses mains, étaient vernis de nacre.

Soyons justes, dit-elle encore ; je reconnais que la petite putain a profité de mes leçons. Sa révérence était très bien. Feu mon oncle , qui était difficile, ne l’aurait pas désapprouvée. En récompense nous la laisserons manger tant qu’elle aura faim, ce soir, et même , avec le permission de Montorgueil, nous la laisserons boire.
Elle vexa l’enfant d’un soufflet dur au coin de la bouche. Nous nous assîmes en tumultes, les nègres maniant le cul d’Edmonde, cependant que notre hôte accordait pour Michelette la faveur demandée.
Nous étions dans une salle à manger toute ronde. Autour de nous, sous un plafond de bois doré, s’élevaient des colonnes de je ne sais quelle pierre, mais lisse, charnue, semblable à de la cire un peu rose – colonnes qui s’achevaient en de grosses boules près du plafond, lequel, pourtant ne posait pas dessus. L’éclairage n’était que de cierges et de bougies, d’une cire carminée comme la pierre des colonnes, issus de grands et de petits chandeliers tous au décor de filles broutées par des veaux ou foutues par des ânes. Le mur était recouvert d’une tenture flottante, en soie très lourde couleur de vin du Roussillon, que des courants d’air chaud, qui provenaient de bouches inférieures, faisaient onduler sans repos avec des reflets étranges. Entre ce mur et la colonnade il y avait une sorte de galerie circulaire où s’amoncelaient des peaux de bêtes, ours et tigres principalement, qui faisaient comme des sièges, comme des lits, comme des tribunes velues.

Le plancher, au centre , était nu, d’ébène ou d’un autre bois teint en noir et ciré ; des anneaux d’argent s’y trouvaient fixés, et y traînaient des objets surtout de ce métal, tabourets, bassins, calices, avec aussi des fouets, des sabres et des colliers pour dogues. Trois canapés entouraient la table ( un quatrième, pareil, était resté dans la galerie) : canapés courbes à trois places, montés sur un châssis en argent pourvu de petites roulettes, garnis de matelas et de coussins en satin topaze. Quant à la table elle-même, colossale et rocaille, elle était d’argent creux, et de l’eau chaude arrivait dedans par le pied pour la tiédir jusqu’à la température du corps humain. Point de nappe, point de serviettes. Une grande fouterie bien ciselée et de petits sujets obscènes amusaient le regard, entre les plats, les carafes, les assiettes et les couverts.

Si tu as besoin de t’essuyer la bouche me dit Viola, tu prendras mes cheveux ou ceux de Candida. Nous ferons pareil avec ton poil…

( à suivre )

L’anglais décrit dans le château fermé. A.P. de Mandiargue – Chapitre III

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L’anglais décrit dans le château fermé A.P. de Mandiargue

Chapitre III: Souvenirs Bernois

Ensuite de quoi je la vis monter à mon côté sur le matelas ( dans son peignoir, que du haut en bas elle avait dégrafé pendant qu’elle s’occupait de mes pieds, je vis qu’elle était nue complétement, sauf la chaussure) ; ses doigts étaient agiles à me déboutonner, et elle ne cessa qu’elle ne m’eût dévêtu jusqu’à la moindre chose. Elle se mit à plat ventre entre mes jambes et me regarda en riant, soulevée un peu sur les coudes ; promena sur mon corps ses jolis seins pointus. Je bandais, avouons-le, comme une machine à défoncer le béton. Il y eut encore des gentillesses des seins et de la langue, que je goûtai en fermant les yeux, puis le visage de Viola redescendit au long de mon corps, et je sentis qu’elle me suçait.

Elle avait happé le gland d’un seul coup, sans toucher à la hampe, et elle le tiraillait en lui donnant des saccades exquises ; le mordillait sagement (sans dépasser, veux-je dire, le point où le plaisir fait face à la douleur) ; parfois elle plongeait mon vit dans son gosier jusque derrière les amygdales (dont je sentais le choc et, vaincue la résistance, le mol étranglement autour de mon engin), d’une façon qui me parut tout à fait ravissante, car je me suis toujours ennuyé à n’être sucé, comme par les putains, que du bout des lèvres.
Je ne fus pas très longtemps sans décharger, n’ayant vidé mes couilles de plusieurs jours. Alors Viola vint au-dessus de moi, et ses lèvres – ce fut notre premier, notre unique baiser d’amoureux – déposèrent dans ma bouche une partie du foutre que j’avais perdu dans la sienne. Nous avalâmes tous deux ensemble ; cérémonieusement, prononcerais-je.

Ah ! Mon cher Balthazar, dit Viola, cela ne rapproche-t-il pas plus que tous le mots du ciel et de la terre ? Tu es vraiment mon frère, maintenant.

Elle fit un gros soupir, qui me parut le déguisement d’un rot, et elle remit ma pine dans sa bouche pour la sucer de nouveau, en exprimer tout le foutre et la bien nettoyer ; et elle la sécha en la roulant comme un cigare dans la paume de ses mains.

Ton voyage t’aura fatigué, dit-t-elle encore, tout aimablement, en voyant que je ne répondais rien à son gracieux propos. Tu devrais dormir un peu. Je viendrai te chercher à l’heure du dîner.

Peut-être n’aurais-je su m’introduire, sans défaire le lit, sous le drap circulaire, mais mon amie (que dis-je ? Ma bonne sœur) Viola le prit par un bord pour me montrer l’ouverture. Je m’engouffrai. Elle posa sur moi des toisons parmi les plus velues et les plus colorées, comme un lourd manteau d’honneur, avant de quitter la chambre pour aller je ne sais trop où – car son peignoir n’était nullement refermé quand je la vis descendre dans le trou de l’escalier tournant.

Seul, je demeurai immobile, attendant le sommeil prescrit ; pourtant il ne vint pas, et je rassemblai des souvenirs.

Montorgueil avait paru dans ma vie une fois que je me trouvais à Berne, chez une vieille amie (non pas très âgée) qui fut ma partenaire à de lointains cache-cache, et que je sollicite encore, de temps en temps, parce qu’elle a de petits seins qui ne se friperont jamais et un ventre qui tout spontanément exhale une bonne odeur de vanille et d’ambre gris.
Mon amie m’avait présenté à lui comme à sir Horatio Mountarse, premier secrétaire à la Légation du Royaume-Uni ;  je la connaissais assez pour ne point douter qu’il ne l’eût faite, à moins qu’il ne fût dégouté des femmes. Cependant, en dehors du plaisir que l’on éprouve à renouer une liaison, l’objet de mon séjour dans la capitale aux ours était surtout d’y faire réparer une montre ancienne à laquelle j’ai la faiblesse de tenir ; dans le boitier de celle-ci, en effet, quand elle fonctionne, douze petits écoliers mécaniques au point de chaque heure viennent se présenter, braies basses, à un magister, qui sodomise un nombre de culs correspondant à l’heure du cadran. Or la réparation achevée ce matin-là, j’avais la montre dans ma poche et, comme c’était l’heure du thé, j’avais pu à mon amie et à sir Horatio donner le spectacle du maître d’école en train de pousser cinq coups.

Très en admiration devant mon bibelot :
Aimez-vous le bordel ? M’avait demandé le diplomate.
Beaucoup plus, assurément, que le solitaire ou le jeu de grâces. Y en aurait-il un, dans cette ville de protestants à la queue froide et aux pieds noirs ?
Non pas de façon officielle ; mais – réservez-moi votre soirée – je vous mènerai dans un établissement où je fréquente, et qui n’est pas sans charme;

Alors, dans les quartiers bas, sur l’autre bord de l’Aar, j’avais accompagné sir Horatio jusqu’au fond d’une ruelle infecte, devant un seuil obscur où, du fer de sa canne, il avait battu longuement et suivant un rythme trop compliqué pour que je puisse encore m’en souvenir. La porte ouverte, reconnu le diplomate Anglais, vous avions été introduits dans l’une de ces vacheries de hasard, telles qu’il s’en trouve en grand nombre dans certains cantons arriérés de la Suisse alémanique, où chaque fille n’est pas tout de suite prête à bâiller son con et son cul au premier venu.

Sous un toit de grosse poutres, autour d’une vaste salle au plancher de bois blanc, je me rappelle un grand carré d’étables qui contenaient chacune une vache de race Emmenthal, sur une litière fort épaisse mais plus sale qu’on ne s’y fût attendu, étant donné son rôle ; dans le milieu, des tables, où les clients, nombreux ce soir-là, buvaient de la bière à d’énormes chopes que renouvelaient aussitôt vides, des servantes bien représentatives de l’espèce bernoise. Je veux dire qu’elles étaient ventrues, lourdement tétonnières, grassement fessues et jambées – plutôt excitantes, au demeurant, avec leur air colossalement stupide.  »Un écu la petite partie », proclamait le patron, en faisant d’une table à l’autre circuler un objet qui me parut répugnant et qui était un vieux ventre de poupée creusé en tirelire d’un con bordé de poils de lapin ; dans ce con, à la mesure exacte de l’écu d’argent frappé d’un Guillaume Tell, les bambocheurs enfournaient leur finance. La plupart du temps il ne se passait rien du tout (et le patron de la vacherie faisait bien ses affaires), cependant il arrivait que surgît du nombril, après l’introduction, le drapeau de la Confédération helvétique, et dans ce dernier cas toutes les servantes accouraient au gagnant pour qu’il choisît l’une d’elle. Curieusement, selon ma façon de penser, elles l’entouraient en lui tournant le dos, boutonnées du haut en bas par devant avec beaucoup de modestie, mais la jupe relevée sur leurs fesses que ne voilait aucun linge. Il paraît que c’est au cul seulement que l’on peut juger d’une femme en Suisse alémanique.

Après avoir choisi, le gagnant emmenait sa prime dans une étable ; et là certaines fermaient le double portail, en sorte que l’on ne voyait pendant le  »petit moment » que les parties hautes de la vache, mais les plus nombreux, pour parader devant les copains restés à table, laissaient grand ouvert, se déshabillaient publiquement (accrochant souvent aux cornes, par plaisanterie, le pantalon ou la chemise) déshabillaient la boniche, et puis la besognaient au vu de tous sous le ventre du bovidé paisible d’ailleurs, pour avoir été bien longtemps habitué à la chose.

Sir Horatio et moi jouâmes de nombreuses parties, et je fus le premier à obtenir l’érection de la croix de Genève. Mes préférences, bruyamment moquées par les buveurs, allèrent à la moins plantureuse des femelles, une fort belle fille, au moins pour ce qui n’est que des formes, mais qui avait, ainsi que ses congénères, le cuir tellement épais que je pensais manier plutôt de la couenne que de la peau de femme. Dévêtus elle et moi, je ne fermai pas les portes, car je pensais que sir Horatio, pour m’avoir conduit en si délectable crapule, voulait se payer du spectacle de ma fouterie. C’est une étrange sensation que de se trouver couché tout nu, fût-ce avec une vraiment belle femme, sur une litière souillée de bouse et d’urine, entre les pattes d’une vache qui pourrait vous écraser ou vous blesser grièvement d’un coup de sabot. Ma compagne (c’est Litzi, qu’elle me dit se nommer) m’avait fait mettre le visage à peu près sous le cul de la bête ; et pendant que Mlle Litzi, montée sur moi, travaillait énergiquement de la croupe, je caressais les mamelles enflées de la plus grosse créature, m’amusant à traire et à faire gicler sur notre couple un liquide crémeux et tiède.

Sir Horatio gagna plus tard, mais il s’enferma très soigneusement, et nul ne vit comment il prenait plaisir avec la jeune obèse de son choix. Des habitués, seulement, firent à haute voix cette observation que jamais la vache n’avait tant montré d’inquiétude. A la fin, le diplomate sortit de l’étable, où il était resté près de trois quarts d’heure.
Je vous montrerai mon vit une autre fois, me dit-il, et quand je banderai, ce qui arrive rarement. Je n’ai fait aujourd’hui que m’amuser un peu.

La fille ruisselait de pissat de vache. Vainement essayait-elle de tordre, pour les égoutter, ses longs cheveux couleur d’éponge. Elle avait un air vexé qui était tout à fait réjouissant, et je pensai que j’avais été bien sot, avec la mienne, de ne trouver rien de mieux que de me faire chevaucher à la paresseuse sous une petite pluie de lait. Sir Horatio était boutonné à son ordinaire, comme s’il était sorti plutôt d’un cabinet de toilette que d’une étable à putains.

Dans la rue, quand je le remerciai de l’excellente soirée, il m’invita à venir l’année suivante à Gamehuche, chez lui ; ajoutant qu’il s’était démis de son emploi diplomatique, et qu’il avait l’intention, dès que serait terminé l’aménagement, tel qu’à son goût, de ce vieux fort acheté sur la côte Bretonne, de s’y retirer strictement pour y poursuivre certaines études qui l’intéressaient – qui m’intéressaient aussi, dit-il encore au point de nous quitter, il en était sûr maintenant qu’il me connaissait bien.

La guerre avait retardé de huit ans notre rendez-vous, mais nous n’avions cessé de nous écrire, quoique à de longs intervalles. Ses dernières lettres m’avaient appris qu’il avait changé de nom – ou plus précisément qu’il avait traduit le sien en Français – puisque, dorénavant, sir Horatorio Mountarse fait place à M. De Montorgueil…

(à suivre)

L’anglais décrit dans le chateau fermé – A.P. de Mandiargues – Chapitre II

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Chapitre II: Viol a

Tout d’abord, il me faut dire que le mot de  »château », qu’à son adresse avaient employé les paysans rares auprès de qui, sur la lande, je m’étais informé du chemin, correspondait très mal à la nature véritable de ce lieu. Gamehuche n’était en réalité qu’un vieux fort (qui souvent avait dû servir de prison), certainement antérieur à l’époque de Vauban, désaffecté probablement à la fin des guerres de l’Empire. Jusqu’à quel point avait-il été transformé dans la dernière période, je ne sais.
La matière dont il était construit, un granit bleu-noir beaucoup trop dur pour se prêter à ces faiblesses de la pierre que sont la patine et l’érosion, lui donnait l’aspect du neuf, si bien qu’il était pratiquement impossible de distinguer ce qui appartenait encore à la construction originale des restaurations capricieuses que lui avaient imposées ses nouveaux propriétaires.

Frappait surtout, à première vue, le dessin de l’ensemble, par la géométrie singulière autant que rigoureuse à laquelle il obéissait. Gamehuche de l’extérieur, se présentait comme une énorme tour basse, absolument dépourvue de fenêtres ; mais ce qu’on voyait là, que ce fût de la plage ou d’un bateau sur la mer, n’était jamais que le mur d’enceinte, parfaitement rond, lisse et partout égal à lui même. N’était le site, on eût pensé aux dehors d’une arène ; mais à quels bestiaux combats destinée – et quel peuple l’aurait pu remplir – sous ces brumes ou bien ces rafales de vent de mer, en cette solitude de rochers nus battus des vagues ?

A l’intérieur du cercle défensif se dressaient contre le mur un donjon, d’un ovale un peu allongé, et six tours plus petites, deux desquelles, tangentes au donjon, formaient avec lui le principal corps d’habitation, tandis que deux autres se trouvaient aux extrémités du diamètre parallèle à l’axe de ces bâtiments, et que les deux dernières flanquaient la porte d’entrée.
Une fenêtre unique au premier étage de ces deux-là, étroite, grillée de surcroît, les distinguait du reste de la construction intérieure où de grandes baies diaphanes, qui couvraient presque toute la surface disponible, ne laissaient à la pierre que la mince fonction de servir de cadre à la vitre. Les toits de tout cet édifice étant plats, contrairement au style du pays, et soudés, pour faire terrasse avec le chemin de ronde, rien ne passait au-dessus du parapet qu’en buste les habitants du château, quand un jour de soleil, ou quelque moins banale occasion, les y avait attirés.

Tu as du bagage ? Il faudrait le porter à la tour d’ami.

Le nègre se rappelait à mon attention, vexé, peut être, qu’elle se perdit aux nuages que bousculait le vent et au bruit des lames rompues qui déferlaient sur les blocs, en bas du rempart. Je tirai du coffre deux valises, pour les lui donner, mais il n’en prit qu’une, et je ne fis pas de façons à prendre la seconde, cette égalité de maître a serviteur, qu’avec une certaine arrogance dans la voix et dans le geste on m’imposait, n’étant pas, mais au contraire, pour me fâcher. Car elle soulignait le fait qu’en franchissant le seuil de Gamehuche j’étais entré dans un monde excentrique et clos, qui avait d’autres lois et d’autres coutumes que celui d’où je venais. Elle apportait aussi, et sans trop tarder je devais les connaître, de succulents avantages.

J’allais donc suivre celui qu’en dedans de moi-même je nommais déjà  »mon frère noir », quand bâilla la porte de l’une des tours médianes (celle de droite, précisément, par rapport à la porte cochère), produisant une apparition qui m’enchanta.
C’était une mulâtresse très jeune ( je sus, plus tard, qu’elle venait d’avoir dix-sept ans ), délicieusement chatte ou guenon, par son visage un peu plus petit que le naturel selon les proportions de son corps. Le nez un peu trop court, la bouche un peu trop grande, elle ouvrait très grands aussi des yeux roux dans la peau la plus lisse et fraîche qui se pût rencontrer ; ses cheveux, plus bouclés que crépus, retombaient d’un seul côté sur l’arrondi d’une belle épaule. Vêtue d’une sorte de peignoir en satin corail bordé de cygne feu – ledit peignoir d’allure assez Louis XVI, avec ses manches larges et son échancrure à cacher le moins possible de gorge – elle avait aux pieds de minuscules souliers mauves sur des chaussettes blanches brodées de baguettes rouges.

Monsieur l’ami de Montorgueil, bonjour, me dit-elle. Moi c’est Viola.
Bonjour, dis-je, madame Viola.

Elle se mit à rire avec les grâces d’une bête qui mordille, et puis :

Appelle-moi Viola tout court. Je t’appellerai Balthazar. C’est un nom que j’aime bien ; je l’ai donné à tous les hommes que j’ai aimés dans ma vie. Ils étaient comme mes frères.
Surpris de cet écho à mes pensées inexprimées, point mécontent de tel incognito prometteur, je m’inclinai. Pourtant, je voulus questionner encore :

Et Montorgueil, l’appelles-tu aussi Balthazar ?

Montorgueil est Montorgueil, me fut-il répondu avec une vivacité qui me découvrit de la gorge ces riens que je n’avais pas encore vus ; les Balthazars sont les Balthazars. Il y a des manières pour le loup et des manières pour les moutons. Ne pense pas trop à ces choses, mon bon frère balthazar, et viens plutôt à la tour d’ami. Je vais t’y mettre à ton aise.

Elle avait pris mon bras sous le sien et, ce faisant, elle agaçait doucement de ma main à travers l’étoffe la pointe de son téton ; plus pointu en vérité, que je n’eusse cru possible à téton de l’être, car je n’avais empaumé, avant cette fois, que des seins de femmes blanches. Ainsi bien occupés, nous traversâmes la cour en nous dirigeant vers l’autre des tours médianes, où le nègre, d’ailleurs, nous avait précédé avec ma valise. La porte, étroite pour deux, me sépara fort à regret de la jolie Viola, mais en la poussant poliment devant moi je constatait qu’elle avait le cul non moins développé ni ferme que le buste. Quelques marches et deux grands pans de tentures à soulever nous donnèrent accès dans une pièce ronde, qui était la salle de bains, tout à fait superbement.
Vasque plutôt que baignoire, un bassin à fleur de pavement occupait le centre de cette pièce-là ; le centre du bassin, à son tour, était marqué à fleur d’eau par un très gros galet dont la forme, pour rappeler les armes parlantes (dirai-je l’écu ?) du seigneur de Gamehuche, ne manquait pas de surprendre un visiteur non averti ( mieux: c’était quoique modelé probablement par les vagues, absolument ainsi que les fesses d’une colossale Vénus des cavernes). Deux trous que l’on avait percés où il fallait, dans ce caillou, laissaient à volonté sourdre l’eau chaude et l’eau froide ; et l’on perdait pied si l’on avait caprice de faire à la nage un tour de galet près du trou qui pissait froid, tandis que vers la source chaude le fond sensiblement se relevait.

La première tenture était de gaze bleue ; la seconde, intérieure, de robuste tissu huilé, d’un rouge brun, dont il se fait des suroîts et des bâches pour les canots. Celle-ci couvrait tout le plafond, d’où elle retombait jusqu’au sol derrière trois bancs de liège brut, et s’écartait devant les vitres voilées seulement de l’autre, plus légère, qui donnait à la pièce un éclairage assez comparable au jour bleuâtre que l’on a pu voir en quelque grotte marine. Derrière ce double rideau, un escalier tournant, fixé au mur, conduisait à la chambre du premier étage.

Là haut, quand nous fûmes arrivés, sans nous être attardés dans la salle de bains plus que le temps d’y jeter un petit coup d’œil, et d’admirer, nous vîmes le nègre couché paisiblement sur le lit.
Gracchus, dit Viola, laisse nous. L’ami Balthazar a besoin de se reposer.
Çava bien, dit l’autre, j’ai compris. Il n’a pas mis longtemps à devenir un Balthazar aussi , celui-là.
Et levé non sans un ou deux grognements encore, il disparut par l’ouverture du plancher. La mulâtresse rabattit une trappe. Nous fûmes seuls.

La chambre, beaucoup plus haute que la salle de bains, était aussi plus étendue, puisque l’on avait pas eu besoin d’y faire place à l’escalier ni à cette sorte de couloir entre le mur et le rideau imperméable. Du plafond descendaient deux flots de mousseline, blanche à l’intérieur, rouge clair à l’extérieur, appliqués contre la paroi par un système étoilé de vergues à mi-hauteur d’un mât de sapin naturel, lequel portait son gracieux toit de gaze ainsi que le dais d’un petit sérail ambulant. Comme dans la pièce du bas, mais sous un meilleur éclairage, une baie vitrée laissait largement entrer le jour, que le double écran rouge et blanc teintait d’aurore ainsi qu’aux reflets d’une chair allumée par des coups de fouet. Le mât se trouvais planté au centre d’un très grand lit tout rond (où, les têtes sur des oreillers autour de la tige, les jambes divergentes, facilement eussent dormi huit personnes, et dix ou douze en cas de besoin) ; ce lit couvert de peaux à longs poils, de chèvres sans doute, teintes en rouge vif, en violet, en rose. D’autres peaux, mais de moutons et à laine courte, qui variaient seulement du rose éteint au jaune paille, servaient de tapis entre le lit et un divan circulaire qui faisait le tour de la pièce – sauf à l’endroit où débouchait l’escalier. Les peaux, de chèvres, comme sur le lit, qui chargeaient le divan, allaient d’un brun presque noir à l’ocre et à ce beige presque blanc qui est précisément la couleur isabelle. Planait sur le tout, mêlé à l’odeur fortement musquée des toisons, un parfum lourd et gras, tel qu’aux souks en Orient.

Après avoir dans l’ordre du divan dérangé quelques couvertures, Viola releva un segment de banquette, qui servait de couvercle a un coffre profond où furent englouties mes valises. Puis elle disposa des coussins pour m’asseoir sur le lit très commodément, s’agenouilla devant moi, défit les nœuds de mes souliers et ôta mes chaussettes. Approchant mes pieds de son visage, elle les frôlait de ses cils, passait sur la plante et entre les orteils une petite langue bien musclée…

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé – A.P. de Mandiargues – Chapitre 1

in L'anglais décrit..., Littérature

NILS souhaite nous faire découvrir une œuvre d’André Pieyre de Mandiargue : « L’anglais décrit dans un château fermé » En voici le premier Chapitre :

André Pieyre de Mandiargues

Personnage qui occupe une place tout à fait particulière dans la littérature Française. Imprégné de surréalisme, d’érotisme, d’art ,chantre patient à l’écriture précieuse, bègue, aristocrate, poète, Mandiargues (1909-1991) signe dans les années 50 :  »L’anglais décrit dans le château fermé ».
C’est un récit dans la lignée des 120 jours de Sodome ou de  « Saloo » de Pasolini. Un conte sulfureux où les pires fantasmes de l’être humain prennent une forme acide et liquoreuse à la fois. A propos de ce texte il dira qu’il a produit là  « un livre assez abominable » mais que  « j’avoue chérir ».  »Si j’ai eu des passions dans ma vie, ce n’aura été que pour l’amour, le langage et la liberté. Malgré le désir, présent en moi toujours, d’être poli, l’exercice de ces trois passions capitales n’a pu aller, ne va pas et n’ira encore sans quelque insolence. Tant pis, tant mieux ! »

 « L’anglais décrit dans le château fermé »

Je prie que l’on veuille bien considérer ce livre comme une sorte de corrida

Cette attraction sexuelle vers le raffinement de la douleur est aussi naturelle chez un homme sainement constitué que la tendance du lapin mâle à dévorer ses petits.

W.M Rossetti (dans un essai sur Swinburne)

Chapitre I: L’arrivée

Quand vous viendrez à Gamehuche, m’avait dit Montorgueil, informez vous bien de l’heure de la marée. Le chemin d’accès, submergé la plupart du temps, n’est praticable que pendant à peu près deux heures, au moment de la basse mer. Ainsi ferez-vous donc : vous achèterez une gazette locale: le phare de Phale, qui parait le samedi et qui pour toute la semaine indique l’heure de la haute et de la basse mer à Saint-Quoi-de-Phale ; vingt minutes ajoutées aux chiffres de cet horaire vous donneront exactement celui de la marée à Gamehuche.

Je n’avais pas négligé ces instructions, et je pensais, selon mon calcul, arriver pendant que la mer baisserait encore : mais le mauvais état des routes et le manque de panneaux indicateurs, en cette région des moins habitées de la Bretagne, m’avaient retardé tellement que la basse mer était passée depuis plus de trois quarts d’heure quand je fus sur la plage, devant la chaussée qui devait me conduire au château. J’hésitai un peu avant d’engager ma voiture sur cet étroit chemin, façon de digue et dont les vagues, au centre, effleuraient déjà le parapet ; puis, comme deux kilomètres, à peine, me séparaient du château, dont s’apercevait la sombre masse au milieu des flots détachée sur un ciel encore clair, je remis le moteur en marche.

Jadis, ce devait être à pied, par les rochers glissants, ou bien en barque à marée haute, que l’on allait à Gamehuche. Le chemin de voitures, en ciment, je ne lui aurais pas donné un demi-siècle d’existence et je sais qu’un observateur non prévenu tend plutôt à surestimer l’ancienneté des ouvrages de cette sorte, qui résistent mal et peu de temps aux coups de mer. Le besoin s’y faisait péniblement sentir d’autres réparations que celles, récentes, dont je voyais les traces sous le jeune varech. Si le parcours avait été plus long, je ne me fusse pas félicité de l’avoir entrepris. Il me fallait veiller sans cesse à des trous creusant profondément la chaussée, qui étaient de ceux que cinq ou six galets, comme des œufs, font appeler nids de poules ; a des crevasse d’un parapet à l’autre touffues de mousses marines, entre des lèvres envahies par le coquillages ; à de petites mares où des fonds de sable ou de gravier rendaient la direction incertaine ; à des tiges de fer rouillé crevant par endroits le ciment, et qui étaient le danger principal. Le parapet à droite et à gauche, n’arrivait pas plus haut que les moyeux de la voiture ; encore était-il percé de bouches d’écoulement par où fusaient des jets impétueux, quand une vague avait battu sur leurs orifices. Vers la fin du parcours, le chemin se relevait suivant une pente assez raide où patinaient les roues, mais là, quand je fus sorti des algues et de l’humide, c’est avec soulagement que je vis plus bas au-dessous de moi le niveau de la mer. J’arrêtai la voiture à la porte du château, sur une plate-forme où je crois que l’eau n’atteignait pas, sinon peut être aux grandes marées d’équinoxe.

Tout de suite après mon coup de sonnette, je vis que l’on m’observait derrière un petit judas, car une ombre l’avait obscurci ; puis il redevint clair. La porte fut entrebâillée, produisant un nègre au corps superbement athlétique, jambes nues dans des culottes en velours vieux vert, la veste pareille avec des boutons de cuivre timbrés d’une paire de fesses.

C’est toi l’ami de Montorgueil, me dit familièrement ce personnage d’un siècle ou d’un théâtre que je n’aurais su définir. Tu es arrivé bien juste à temps…

Il me montrait le chemin que je venais de prendre. Une vague, à ce moment même, dans un grand éclaboussement joyeux d’écume et de gouttelettes, bondissait par dessus la jetée ; d’autres suivaient, dont la haute échine promettait autant de panache et de force.

Nous t’attendions plus tôt, dit-il encore. Veux-tu faire entrer ta voiture dans la cour ?

Et il ouvrit à deux battants la porte qui, par une rampe de quelques mètres, donnait accès à la cour intérieure du château, le niveau de la dite cour étant un peu plus élevé que celui de la plate-forme.
Derrière moi, j’entendis le bruit des portes, dont criaient l’un contre l’autre les joints de fer qui leur assuraient une fermeture hermétique. Je tournai la clé de contact. Comme un cœur qui cesse de battre, le moteur eut un petit hoquet, puis fut silencieux. Un peu étourdi, je descendis de mon siège, et je promenai les yeux sur le lieu que Montorgueil avait choisi pour s’y retirer du monde et où il m’avait donné rendez-vous.

(à suivre)