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auclairdeclaire a publié une note il y a 9 ans et 10 mois
Mon Eveilleur,
Les images, j’aime maintenant à les repasser en moi alors que j’ai un moment de tranquille… le soir, le plus souvent car mes journées me laissent peu de temps au rêve, avant que je ne m’endorme, ou mieux, juste avant de m’endormir.
C’est d’abord votre arrêt en chemin, juste avant d’arriver, lorsque le silence s’est fait un peu plus pesant, la lourde signification du collier que vous passez à mon cou. Alors vous m’intimidez, vous m’apparaissez sous un autre jour, vous êtes… Vous. Je me sens très fragile soudain, enfin, pas exactement comme une poupée de porcelaine, mais fragile parce que vulnérable.
Je ne sais ni quoi dire, en ai-je le droit, ni comment saluer notre hôte. C’est la première fois qu’un étranger me voit en Abdiquante, cela me trouble beaucoup. Les objets au rez-de-chaussée aussi… je suis troublée, je me demande sans même savoir formuler ce que je me demande, j’ai un peu peur, qu’allez-vous me faire ici ? La maison est bizarre, je ne m’attendait pas à cela, elle paraît si conventionnelle et banalement normale et rassurante de l’extérieur qu’il me faut un moment pour pointer ce qui n’est pas conventionnel, à l’intérieur.
Je vous entends alors me dire que nous serons seuls cet après-midi, qu’hormis nous, la maison est vide. J’ai entendu notre hôte dire qu’il allait partir mais je ne sais si cela est vrai, où si c’est pour libérer une appréhension de ma part. Où mettre mes mains, comment, ma jupe n’a pas de poche, je ne sais comment me tenir… Vous répétez je crois que nous serons seuls. Vous m’avez laissée quelques instants à l’étage, pour attendre, je pose mes yeux sur l’écran de télévision, je n’ose pas marcher dans la pièce, j’ai peur de faire du bruit, que cela soit inapproprié.
Vais-je réussir à fixer mes bas ?
Il y a deux petites boîtes sur la table, je glisse un oeil dessus, regarde les petits papiers à l’intérieur, en lis quelques-uns. Vous remontez. Vous me conduisez dans la chambre. J’hésite à formuler le besoin de passer dans la salle de bain, je ne sais pas si j’ai le droit de prendre la parole pour cela.
Je m’habille, c’est toujours si difficile et si long de mettre si peu sur soi. J’espère ne pas filer un bas, ou pire, le déchirer en voulant le fixer, j’espère surtout que j’arriverai à les faire tenir… Non, je ne suis toujours pas prête alors que vous frappez à la porte, cela est si long…
Mes poignets me font mal, fixés en hauteur, je fais un peu peser mon poids dessus pour soulager mes jambes qui chancellent. Je pourrais presque, en forçant sur mes bras, me soulever toute entière lorsque vous me faites mal. Comme pour y échapper, comme pour revendiquer, comme pour démontrer que je suis plus forte que vos coups. Vous frappez si fort si rapidement, il n’y a pas de rythme, enfin il n’y a pas de gradation, je tremble d’effroi, de surprise, je panique, vous me faites très mal, parfois l’instrument dont vous usez vient s’enrouler sur les côtés de mes mollets, de mes genoux, de mes hanches, c’est là qu’il est le plus douloureux, la peau très fine sur les hanches par exemple, j’ai l’impression qu’elle se rompt, j’ai aussi l’impression que vous cisaillez mes jambes à mi hauteur. Les fesses sont très douloureuses mais je sais que cela ne risque rien.
Je pourrais me hisser à la force des bras et me défendre contre vous avec mes jambes, j’en ai presque le réflexe, je retiens presque un réflexe, je me retiens de le faire.Je pleure parce que je suis bloquée les mains liées et que vous ne montrez pas de pitié. Je suis seule au monde, je suis complètement perdue, pourquoi me demandez vous quelque-chose, comment formuler des mots, même un, que voulez-vous que je vous dise. Oui, c’est cela, il faut répondre ce que vous voulez que je vous dise, l’exercice est épuisant. Je ne possède plus de mots, je ne suis qu’un infini sentiment de solitude et d’abandon.
Je pleure parce que qui va venir me sauver si c’est vous qui me frappez ?
Vous me prenez dans vos bras, c’est infiniment doux et fort et beau.