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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre XII

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Chapitre XII : Saturne dévorant ses enfants (âmes sensibles s’abstenir)

J’étais encore sous le coup de cette impression quand je vis arriver Montorgueil, suivi du nègre Publicola qui n’avait d’autre habit qu’une culotte en grosse toile rouge, coupée sur une jambe au genou, sur l’autre au milieu de la cuisse. Mon hôte s’envelop­pait d’un grand manteau à capuchon, dont l’étoffe, entre gris et mauve avec des lunules pâles, plus que d’un moine fantasque lui donnait l’aspect d’un énorme et fort inquié­tant papillon de nuit.

— Ab ! me dit ce démesuré bombyx, que je vous présente les sujets de l’expérience. Voilà donc Mme Auguste Valentin (comme en famille, nous l’appellerons par son prénom : Bérénice), la jeune épouse d’un avocat de Bordeaux qui eut à défendre mes intérêts et qui très bien s’en acquitta ; voilà leur fils unique, Césarion, en qui l’on avait mis de si nobles espérances que j’ai vraiment du chagrin à l’idée qu’elles vont être déçues tout à l’heure, et qu’il ne sera jamais rien de lui. Mais que faire ? Il faut sacrifier beau­coup si l’on veut connaître quelque chose. Remarqués, puis signalés par moi, ravis par mes vauriens (chez qui la fin de la guerre a laissé une insupportable nostalgie de ce genre d’entreprises) pendant une promena­de aux Quinconces, la mère et le fils m’ont été livrés peu de jours avant votre venue. J’ai eu soin de les conserver frais, pour vous les donner en spectacle.
Celle qu’il me désignait ]’écoutait avec une fervente attention, et elle tenait les yeux fixés sur nous, mais elle ne prononça pas le moindre mot, et je ne devais jamais enten­dre le son de sa voix, Seulement, à mesure que Montorgueil discourait, elle étreignait son enfant avec plus de tendresse et de crainte. Bérénice Valentin était une très jolie jeune femme, de type français, mais plus touran­geau que gascon ; son visage, régulièrement dessiné, s’encadrait de cheveux châtains, coupés au-dessus des épaules ; ses yeux avaient la couleur des bleuets ; sa petite robe blanche laissait entrevoir des formes élancées, bien faites pour toucher un cœur sensible à cela ; ses jambes étaient nues et dorées ; aux pieds, elle avait des souliers de tennis.

D’aussi beaux sujets, malheureusement, sont rares, reprit le maître du château. Mes recherches ne vont qu’à de très jeunes épouses, indubitablement chastes, mères d’un seul enfant, lequel ne doit pas avoir plus d’une dizaine de mois. On a quelque peine à se procurer en nombre suffisant des bestiaux qui répondent à toutes ces conditions, et l’on n’est pas souvent gâté, comme aujour­d’hui, sur le chapitre du coup d’œil. Vous allez voir, maintenant, en quoi consiste l’ex­périence.

Sur un ordre de lui encore, les deux nègres empoignèrent la jeune femme et lui arrachèrent son enfant, ce qui s’exécuta sans un cri, mais non pas sans résistance. Après quoi, quand ils eurent jeté le marmot dans un coin, ils conduisirent leur patiente à la croix de Saint-André contre laquelle ils la placèrent, dos sur le bois. Par les poignets et par les chevilles ils la lièrent très étroitement aux quatre bouts des axes, et sa tête posait sur une planchette à collier, au centre de l’appareil. Quand ils eurent fini, et quand il fut évident qu’elle ne pourrait remuer de nulle part que du milieu de son corps, ils allèrent reprendre l’enfant, qu’ils dépouillè­rent de tout ce qui l’emmaillotait ; puis ils le suspendirent par les mains à cette sorte de trapèze que j’ai dit, devant la croix. Le visage de la mère et celui de l’entant se trouvaient ainsi l’un en face de l’autre, et rigoureuse­ment à la même hauteur.

— Bien, dit le maître ; mais rapprochez un peu le trapèze.
L’on rapprocha, jusqu’à donner à la Femme la plus claire et la meilleure vision de son malheureux fils. Et quand cela aussi fut au point, Gracchus fit sous la robe une caresse insolente.

— Comme d’habitude, lui dit Montorgueil, tu vas aller derrière cette femelle pour l’obliger à garder les yeux ouverts. Il pourrait lui venir caprice de les fermer, et nous aurions travaillé pour rien.
Lui et moi, nous étions dans nos grands fauteuils, à moins d’un mètre de la scène.
A toi, Caligula. Tu sais ce que tu as à faire.

Le grand nègre se baissa pour prendre le rasoir, et il vint, dansant un peu, vers ceux que l’on avait préparés pour des traitements que je ne savais encore, mais que je devinais cruels. D’abord il palpa le corps de Bérénice Valentin, maniant brutalement les seins et les cuisses, et il la regardait dans les yeux avec un mauvais rire. Son vit était tendu comme une barre, dans la culotte large. Je m’attendais à le voir tomber sur la femme, que ses liens exposaient sans aucune défense à toutes les attaques, et qui tremblait, mais c’est vers Femànt qu’il se tourna. Après avoir tracé du doigt, sur le petit visage, une ligne médiane, il appuya en haut de cette ligne le fil de son arme, et d’un mouvement précis et doux, maintenant sa victime d’une poigne solide, il trancha rapidement la peau du front, celle du nez (avec le cartilage), les lèvres, les gencives et le menton jusqu’au bas du cou ; puis ce fut le tour de la poitrine, du ventre, enfin du sexe menu qu’avec applica­tion il partagea en deux moitiés strictement égales. Le sang giclait de partout, horrible­ment. Alors le nègre (qui avait des ongles longs) saisit les deux bords de la plaie à l’en­droit de ce qui avait été le nez, et il tira violemment la peau à gauche et à droite, écorchant ainsi, en quelques secondes, le visage de l’enfant sous les yeux de sa mère. La manœuvre fut répétée plus bas, afin de dépouiller tout le petit corps sur sa face antérieure, jusqu’aux cuisses. La mère, à qui l’autre nègre tenait, de force, les yeux ouverts, n’avait pas perdu un détail de la terrible opération, et elle respirait avec un bruit de houle. Au lieu de la blancheur à laquelle on se fût attendu, ses joues avaient pris un teint de pourpre, qui répondait curieusement à l’aspect hideux du petit écorché.

— A ce moment de la vie où les femmes sont encore liées à leur créature comme par un fantôme de cordon ombilical, dit Montorgueil, détruire en un instant, devant elles, le visage de leur unique enfant, ce visage qui contient tout leur amour, qui est le lieu de toutes les raisons de leur existence, hors duquel il n’est pas un objet, ni une image, qui les puisse vraiment émouvoir, l’effacer à leurs yeux comme par un trait de gomme, le changer en figure anatomique, pensez au bouleversement (le mot est beaucoup trop faible) que cela doit produire en elles, Et admirez-moi d’avoir inventé pareil instru­ment de choc. Si la fibre nerveuse se comportait comme en chimie les molécules, à quelles réactions n’assisterions-nous pas ? Mais la nature humaine est absurde, et c’est le plus incroyable qui est commun. Généra­lement, voyez-vous, cela les échauffe.
Caligula avait plongé sa lame dans la poitrine du petit garçon qui, je crois, respi­rait encore ; et puis, après qu’il l’eut déta­ché, sans même s’écarter de nous, d’un geste vigoureux il le jeta par-dessus la balustrade.
— Bon appétit les crabes ! dit-il.
Le rasoir, essuyé soigneusement sur un pli de la culotte, revint à son lit de fourrure. Après quoi le bourreau se remît au travail : il arracha la robe de la mère, déchira, par lambeaux, tout son linge, sans pourtant dénouer aucun de ses liens. Le beau corps fut au jour, un peu plus replet que je ne l’avais imaginé, et il brûlait, cramoisi comme de plaques de rougeole. Gracchus, jouant des leviers, fit basculer la croix qui prit en bas du cadre une position horizonta­le, couchette-surprise où gisait notre captive offerte à tout venant. Caligula, débraguetté en un tour de main, était en l’air avec magnificence ; il se baissa sur la belle écartelée, ouvrit du doigt un con moussu de fauve et baigné d’humeur, introduisit le gland et d’un seul coup de reins (mais de nègre) planta jusqu’aux couilles, dans la chair molle, l’énorme vit qu’il m’avait montré la veille, comme une massue brandie sur la nuque de Michelette.
Regardez bien, dit Montorgueil.

Penché vers la figure de Bérénice, il explo­rait aussi son pouls. Celle-là, les traits égarés complètement, les yeux agrandis, ouvrait une bouche baveuse qu’elle tendait avec une sorte de désespoir vers les lèvres du violent qui la foutait en arquant le corps, comme s’il avait voulu ne la toucher nulle part qu’à l’intérieur du vagin. Ses seins bandaient en pointes de cuirasse, son ventre s’élevait et s’abaissait, un frisson sur sa peau courut, qui finit convulsivement ; il était sans nul doute qu’elle se trouvait la proie d’une jouissance aveugle et furieuse.

Au premier assaut, reprit mon hôte, sans qu’il ait été besoin d’aucune prépara­tion, la putain reluit. Et c’était une femme froide, savez-vous ! Et même dans les bras de son cher mari, je ne croîs pas qu’elle ait jamais beaucoup mouillé ! Mais elles sont toutes pareilles ; traitez-les comme je fais, elles jouiront comme des chiennes. Voyez-moi ces contorsions, ces yeux à la renverse, cette mine extasiée… Foutrechaud ! Je suis sur que vous bandez, vous qui êtes, à ce qu’il parait, un homme à queue.

Il me toucha, se tut peut-être une mi­nute, méditant, puis, avec une hostilité subite :

— Descendez maintenant. Vous en avez assez vu. Allez passer votre grossier émoi sur le grand cul dont je sais que vous êtes friand, ou sur la motte de mes négresses. Nous fini­rons sans vous.
Je fus bien aise de lui obéir et de m’esqui­ver, non pas, comme il me l’avait enjoint, pour aller retrouver des filles qui s’étaient cachées je ne sais où et auxquelles, après ce que j’avais vu, j’eusse été bien incapable de faire la moindre politesse, mais parce que, sans porter aucun jugement sur ce que mon redoutable ami nommait ses expériences, j’étais terrifié par ses caprices, ses brus­ques sautes d’humeur, à ce point de crain­dre le pire si je restais plus longtemps au château.

Je montai dans ma chambre, j’y échangeai le costume à la mode de Gamehuche contre celui qui a généralement cours dans les pays d’Europe. En toute hâte, sacrifiant même une valise que je n’avais pas retrouvée, je courus à ma voiture. Le moteur voulut bien partir à la première sommation. Gracchus, qui tout de suite avait paru dans la cour, m’observait, et dans son regard, cette fois, je crus lire qu’il m’enviait. J’étais anxieux s’il m’ouvrirait la porte, maïs il le fit dès que je l’en eus prié. Alors, malchance, je vis que la mer, qui montait depuis plus de deux heures, avait entièrement recouvert le chemin d’accès ; cependant, j’avais un tel besoin de franchir la pesante enceinte et d’être sorti du cercle que je n’hésitai pas à conduire mon véhicule hors du château, sur la plate-forme extérieure. La porte fut refermée derrière moi. Je ne vis plus personne.
Courbé sur mon volant, toute la nuit, je veillai, attendant que la mer fût haute et puis qu’elle descendît de nouveau. Vint l’aube enfin, et vers six heures les vagues cessèrent de battre le chemin. Le vent était si fort, quand je passai, que j’eus de la peine à maintenir la bonne direction. Je roulai quelque temps au hasard, sur les mauvaises routes de la lande, puis, quand je fus dans
un site abrité de taillis, j’arrêtai la voiture, je relevai toutes les vitres et je m’endormis comme on meurt.
Ajouterai-je que je ne fus pas extrême­ment surpris, trois semaines après que je fus rentré chez moi, de lire le suivant entrefilet dans les colonnes de faits divers du Phare de Vit, auquel, pour bien savoir les heures de marée, je m’étais abonné peu avant mon départ.
« Hier, à la tombée de la nuit, une explo­sion d’une violence extraordinaire a mis en émoi notre contrée. Le ciel, au sud de Saint-Quoi, parut tout illuminé par un terrifiant éclair vertical ; en même temps les maisons tremblaient et un fracas inouï venait jeter la panique dans la population et dans le bétail. On se perd en conjectures sur l’origine du phénomène, expérience atomique ou mala­dresse de contrebandiers, qui semble avoir eu lieu dans la région la plus déserte de la Côte de Vit. »

Quelques jours plus tard, un article plus long venait confirmer ce que j’avais deviné tout de suite : c’est-à-dire que la mystérieuse explosion était partie de Gamehuche. Il n’avait pas été retrouvé la moindre chose du château ni de ses habitants, si rien n’émer­geait plus à marée haute et si la marée basse, à l’endroit que j’avais connu luxueux et fortifié, ne découvrait maintenant qu’un vaste chaos de pierres, bientôt livré aux algues et aux coquillages. Le journaliste faisait un éloge immodéré du châtelain disparu, qu’il nommait, tour à tour, M. de Mountarse, Montent dans la résistance, un riche Anglais, un philanthrope, un démo­crate, un patriote exemplaire et un fidèle ami de la France ; son article se terminait par un pressant appel à souscrire, afin que l’on pût ériger un buste du héros devant la mairie de Saint-Quoi.

Sans doute (et probablement, selon l’heu­re de la catastrophe, au cours d’une nouvelle expérience) Montorgueil avait-il bandé sans plus disposer de rien qui fût capable de le faire décharger ; et alors, fidèle à sa promesse, je pense qu’il avait branlé le petit bouton et tout foutu en l’air. J’envoyai mon obole à la souscription, pour (avec un humour qui certainement ne lui aurait pas déplu) saluer une dernière fois cet homme d’une intolé­rable grandeur. Et pour que mon abominable récit, au moins, s’achève sur quel­ques mots de tendresse, j’avouerai que je ferme souvent les yeux en évoquant le cul d’Edmonde. Il ne tarde pas à venir flotter, comme une double montgolfière blanche et rosé, dans le ciel obscur créé par mes paupières ; quand je vois qu’il m’adresse de petits pets amicaux d’entre ses rotondités palpitantes, je souris, à l’idée de la chère et douce fille dont il était le meilleur orne­ment.

Mais ce rosé ni ce blanc ne me feront jamais oublier que Montorgueil m’avait dit :
Éros est un dieu noir.

FIN

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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre XI

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Chapitre XI : On crâne moins !

Ils s’emparent du général, le giflent, lui paument l’échiné, manient son corps de leurs mains moites, tâtent le gras et le maigre, sans pourtant déshabiller.
Au tour du pilote lieutenant. J’attire contre moi sa fiancée, que je prends par l’aisselle, et elle relève le coude, docilement, pour me livrer sa gorge qui est toute libre et nue sous la toile.

«  Déshabillez ce porc, dis-je aux nègres. »

Sans duvet, ou presque, comme souvent chez les hommes du Nord quand ils sont du type solaire, c’est un corps de belle brute athlétique, et je le considère avec haine et plaisir, attachant un œil critique au bidet qui pend sur de grosses couilles couenneuses.

« II ne bande pas, dis-je à Luna. Mets-le en l’air. »

Elle rit, la jolie garce, en feignant d’être confuse, et puis va caresser l’équipage du lieutenant qui la regarde avec une fureur contenue. Gonflé à demi le principal orga­ne, elle achève le travail à coups de langue, en experte, tandis que je profite de sa postu­re pour la trousser jusqu’aux reins et pour, après avoir fait glisser la petite culotte, manier triomphalement devant les yeux de son fiancé les deux beaux globes de son cul, lisser du doigt la raie médiane.

« Bien ! Dis-je (un peu narquois, quand elle se relève pour me donner chattement son visage, ses paupières closes, sa bouche ouverte, sa langue de putain) ; mais il y a certaine insolence, dans ce prépuce épais, que je veux punir. Hébreux, laissez reposer le général et prenez des ciseaux ; vous allez circoncire le pilote. »

On captive les poignets de la victime par le simple moyen d’une corde, que l’on fixe, tendue pour la commodité de l’opération, à un anneau supérieur. On circoncit, ce qui produit un bout de peau comme les pâtes farcies de Bologne, un peu de sang, quelque plainte et quelque tremblement du sujet. Ma curiosité bien en éveil, car je n’avais jamais vu circoncire, je fus heureux de constater pareille   disposition   non   seulement   chez Viola et Candida mais aussi chez la fiancée du patient ; et à partir de là je sus que je ne serai pas plus sévère à celle-ci qu’aux deux autres. Mais la circoncision, spectacle pour jeunes  filles, me  déçut ; je  l’avoue  fran­chement.
Riant beaucoup, Simon Vert montre à la victime le prépuce qu’ils viennent de lui reti­rer ; il le porte à sa bouche, feint de le trou­ver savoureux.

« Finissons-en, dis-je, avec l’aviateur. Le petit Rotschiss va l’enculer ; après quoi le dentiste lui mangera les couilles (et s’il n’avale pour de bon, c’est un homme mort). »
On donne un peu de corde pour mettre le cul du lieutenant à portée du Juif sans que ce dernier soit obligé de monter sur des coussins, car  il  est  tristement  basset  par rapport à l’autre. Gracchus, sur mon ordre et malgré quelques pleurnicheries, lui enlève sa robe de moine : il faut bien se rendre à cette évidence que les miches de mon grand salaud d’aryen sont pour lui sans attrait, ou l’intimident,  si son courtaud   pendille comme  la  langue  d’un  chien qui  a  trop couru. J’essaie  de le  faire arquer de peur, Viola et Candida,  mais sans succès, le manualisent, et l’on décide en ultime expé­dient de recourir à une bonne recette du nègre Gracchus qui, après lui avoir badi­geonné le gland de moutarde et lui avoir introduit dans le trou culier un fort poivron rouge, le fustige pendant cinq minutes avec des  verges  trempées  dans  du  vinaigre.   Il bande (grêle assez comme un commun stylographe) et, craignant sans doute, s’il attend, de retomber (quoique, selon Gracchus, l’ef­fet du poivron soit durable), il encule tout de suite et sans la moindre difficulté, tant les culs d’aviateurs sont formés au passe-quille.

Nous rions de voir l’arrogant pilote (à son nez, sa fiancée me cajole de langues dans l’oreille, tandis qu’ostensiblement je la branle) chevauché par Rotscbiss qui, grimpé sur son corps comme une petite araignée sur une longue mouche d’eau, se balance. On hisse ; le Juif, après une courte partie d’es­carpolette, éjacule ; on baisse pour qu’il décule et que Simon Vert puisse montrer ses bonnes dents.
Celui-ci, je l’ai tellement effrayé en lui parlant de mort qu’il faudrait, pour le faire bander, bien plus que de la moutarde et du piment ; mais le rôle que je lui ai confié ne passe pas ses moyens, puisqu’il le peut jouer à vit mollet. Il se jette au bas-ventre de Conradin  qui,  cette fois,  pousse des  cris comme vingt perroquets ; il mord furieuse­ment dans la bourse en prenant appui de ses mains sur les cuisses, et par torsions, arra­chements, il emporte une couille et puis l’autre. Les manger est plus difficile (c’est viande  dure,   savez-vous,   que  les  couilles toutes crues d’un adulte) ; pourtant il en vient à bout très vite, presque sans mâcher, en se les enfonçant du doigt dans la gorge, et quand il a fini son visage est bleu comme celui  d’un pendu,  Bravo,  le dentiste !

La victime saigne comme un cochon après le couteau (l’ennuyeux, dans de tels passe-temps, est que leur conclusion salisse généralement les lieux) ; je fais un signe aux nègres, qui l’achèvent en l’étranglant, puis nous en débarrassent.

«  Foutre ! me dit gentiment sa fiancée, j’aurais bien tâté d’un morceau de couille. Mais voyons comment vous allez accommo­der mon oncle. »

Le général Von Novar avait roidement contemplé nos plaisirs, réussissant à garder, jusqu’au bout, une attitude militaire ; et il saluait du bras, à l’hitlérienne, les débris de son collègue. A mon appel il se présente, bat d’un pied contre l’autre (mais les semelles cordées font un bruit mou). »

J’ordonne qu’on le déchausse et qu’on le déshabille du bas, ce dont s’acquittent les négresses, qui fourragent dans le poil gris, minaudent. Arrêtée au creux des reins, la vareuse ne fera pas plus obstacle à nos entre­prises que la courte veste, qu’elle évoque, des putains en maison bien. On la lui laisse­ra donc ; mais elles la déboutonnent com­plètement et elles arrachent, par lambeaux, la chemise.

« Tu n’en auras plus besoin, lui dis-je (car son regard tristement s’attardait à ces loques). Mets-toi à quatre pattes. »

II obéit. Je le vexe d’un coup de talon sur les doigts, d’une torgniole à la nuque et d’une paire de gifles sèches. Sa nièce, contre moi serrée, deux fois le nasarde, et elle se retrousse pour que devant lui je la branle et la lèche. Pendant cela, les Juifs s’acharnent sur le cadavre du lieutenant, qu’ils ont traîné au fond de la pièce comme pour nous réunir mieux en famille, le général, sa nièce, les nègres et moi. La putain se dégage, va manier les pendeloques sous le ventre de la bête à galons.

« Les coups le font reluire, dit-elle (en lui crachant au front). Il bandouille un peu. »
Si délicieusement louve que je me sens épris d’une tendresse quasi fraternelle, elle lève les bras, par complaisance aux désirs de Viola qui derrière elle est venue pour lui retirer sa robe et langotter la raie d’entre les fesses. Toute nue, je l’empoigne de nou­veau ; d’une main, mes doigts plongent dans son vagin baveux ; de l’autre, douce­ment, je la socratise. Elle gémit. Alors je commence à bander.

« Mettez-vous nus, dis-je aux nègres. Publicola va enculer le général. »

Point n’est besoin de répéter pareil ordre. La vertu bandative de ces bougres-là, littéralement, crève les yeux. Au premier mot, au moindre signe perçu, leurs grands vits sont dehors, saillants comme des trin­gles en acier noir de guerre ou comme les pièces de chasse de vaisseaux armés en course. Celui de Publicola, mû par des reins sans pardon, s’est enfoncé jusqu’au poil des couilles dans la lunette du cyclope, et le nègre se courbe comme une lame de faux au-dessus du général allemand pour lui mordre la nuque. Pendant l’opération, j’ai poursuivi mon travail digital sur les parties intéressantes de la jeune princesse, et j’en recueille un double fruit ; à savoir, de son côté, l’émission de divers liquides, du mien, une vigoureuse érection de mon dragonneau.

«  Enfin, me dis-je, nous aurons foutaison. »

Je  me  délivre de ma robe d’évêque,  qui tombe  sur le plancher,  devant le nez du général ; j’assène un fort coup de poing sur ce nez, afin de mieux assurer la persistance de mon-érection, et sur cette robe je précipi­te ma nouvelle amie qui s’y laisse aller de bon gré, sans feindre même un peu d’em­barras, tant elle est fascinée par les propor­tions de mon vit et surtout par son grand pavois de bataille :  cette crête orange et mauve dont vous savez que je suis glorieux. « D’un bon coup, je pénètre par devant ma princesse jusqu’à battre  du  gland tel museau que l’on nomme, en italien, de la tan­che. Ce n’est pas, évidemment, con dépucelé ;  mais mon bélier est trop avantageux pour ne pas s’y sentir à l’étroit, et la coquine (musclée comme il faut, savez-vous) m’oc­troie des pincements fort gracieux en serrant et en desserrant son casse-noisette selon le rythme que j’impose. Bref, je la fous en con, sans décharger, pendant six à huit minutes, et puis je déconne, je la retourne et je l’ex­ploite en cul pendant à peu près le même temps. Je décule, sans avoir déchargé, au même moment que Publicola qui a juté à flots (son foutre étant beaucoup moins ficelé que le mien) dans les boyaux de Novar.
Après un coup de poing sur le museau encore (et deux gifles de Luna), j’oblige le général à sucer mon vit tout merdeux du cul de sa nièce, ce qu’il fait avec application, docilité, mesure, et sans penser, je crois, à me mordre. Bien. J’encule à mon tour le général ; je lui besogne assez rudement le boyau pendant au moins huit minutes, sans décharger. En même temps, pour occuper mes deux mains, je branle Viola et Candida, tandis que Luneborge fait aller derrière moi son corps comme si elle me sodomisait, son con tout contre mon anus, et qu’elle tord grièvement les oreilles de son oncle en passant les bras sur mes épaules. Déculant, toujours sans avoir déchargé, je présente une seconde fois mon vit merdeux (de sa propre merde) au général, pour qu’il me le nettoie dans sa bouche pendant qu’il s’exécute (et cette fellation m’est douce comme une entrée de gibiers entre le poisson et le rôti), je le fais enculer par le nègre Gracchus ; celui-ci n’est pas lent à lui remplir les entrailles du produit de ses couilles, mais il ne débande pas et continue à limer.


Luna est si pâle (les yeux tellement cernés dans le visage exsangue) que c’est à craindre le pire ou à espérer le meilleur. Elle se frotte à moi comme une hystérique, les jambes écartées dans une pose ignoble, le sexe béant (il en sort des effluves de safran et de champignon au vinaigre), le clitoris bandé si dur que je sens courir sur mes reins comme un doigt d’enfant ; cherchant à crever les yeux de son oncle, elle l’a cruelle­ment griffé au front et aux paupières. Quant à moi, je suis de plus en plus excité ; les insi­gnes et les décorations sur la vareuse du général, courbé, pour me sucer la pine, en posture d’oraison, chatouillent agréable­ment la face interne de mes cuisses, et il me semble qu’un épais nuage rouge est monté du sol autour de moi, de la princesse, du nègre et de l’Allemand pour nous dérober tous quatre à la vue des simples mortels et nous donner le support convenable à une orgie ou à un combat de dieux ou de démons. Le nègre, une dernière fois, décharge dans le cul de Novar ; il lui serre le cou de ses longues mains d’étrangleur, avec un rire que l’écho répercute comme les éclats tonitruants de ta jouissance olympien­ne. Alors je retire mon vit des lèvres du patient, je prends par le goulot une bouteille de cognac et, après avoir lampe une bonne rasade, je donne sur la gueule du général un coup si fort qu’il lui fait sauter trois dents. Luna, ravissante mégère, m’arrache des mains la bouteille, boit d’un trait la moitié du contenu, casse le tesson contre un anneau et défigure son oncle en lui poussant dans le visage deux coups terribles de la partie tran­chante ; puis elle tombe sur moi et avale goulûment mon vit en bavant du cognac. Je l’empoigne aussi, je roule avec elle, tête-bêche, sur le plancher ; je mords son poil suintant de foutre féminin et d’alcool, je plonge ma bouche et mon nez dans son vagin cependant qu’elle me pompe le vit avec un emportement qui est du plus furieux paroxysme. Enfin, je décharge : ce sont des cataractes de  foutre que je lâche dans la gorge de ma divine putain, qui avale tout, comme un ange. Et puis, je faiblis ; ma tête tourne ; c’est à peine, avant de m’évanouir, si j’ai le temps de crier cet ordre ultime aux nègres:
« Crevez le général. »
Revenu à moi, je vis que j’avais été bien obéi. Les cadavres des deux Allemands gisaient sous la colonnade, et la garce que j’avais désirée, nue encore, pelotonnée dans mes bras, me regardait avec une admiration tendre, comme si elle m’aimait pour de vrai.

Un long bassin d’argent – pièce assuré­ment de prix puisqu’elle avait été moulée, tout exprès pour M. de Montorgueil sur le corps d’une belle fille dont il avait voulu garder ce concret souvenir – circulait sur un petit chariot que menait Edmonde ; dedans, il y avait un arlequin de tartelettes au gingembre, de rouleaux farcis d’ail, d’oi­gnon, de miel et de graines de pavot, de choux en pâte peu cuite enrobant des noix en sucre pistache, de champignons confits, de melons doux-amers, de rosés rouges frites au gras de mouton. Nous nous servî­mes, nous mangeâmes sans dire mot, car c’était un pesant dessert après le récit que nous venions d’entendre, mais notre hôte, qui avait bu plus que de raison pendant qu’il racontait, et qui se trouvait passable­ment ivre, fut peut-être blessé par notre silence. Tout à coup, le visage envahi d’un flot de sang (les peaux très blanches ont de ces changements à vue), il nous mit en demeure de craindre sa colère, si nous savions précisément à quel endroit nous étions attablés.

Le château de Gamehuche, braillait-il, est un énorme vit courtaud, toujours bandé, qui peut décharger d’un instant à l’autre. Ses couilles sont les caves creusées vastement dans le rocher qui le porte, et elles débor­dent d’explosifs volés aux Allemands, puis aux Anglais et aux Américains. Des camions entiers y sont descendus, dont les carcasses achèvent de rouiller dans la mer. Sous nos pieds, il y a plus de matière fulminante que dans les soutes réunies de trois cuirassés, il y a des centaines de tonnes de tout ce que les hommes ont inventé de plus brisant, de plus destructif, de plus inflammable, de plus propre à volatiliser, et leur génie sinistre a fait merveille en ces domaines. Savez-vous bien qu’il me suffirait d’allumer la mèche de telle bougie que je sais, de tirer tel cordon, de branler tel petit bouton électrique, pour foutre tout en l’air dans une éjaculation grandiose qui amidonnerait le ciel comme la chemise d’un bagnard ? Et je le ferai, je le jure, à la première fois qu’après avoir bandé je ne serai pas capable de crac
La décharge de Gamehuche sera la revanche de mon fiasco !

Les nègres, mâles et femelles, avaient fui au début de la crise, plus effrayés par le ton de leur maître et par sa gesticulation brutale que par le sens même (qui avait dû leur échapper) de son discours. Luna, penchée sur lui, cherchait à le calmer, partant bas (ou soufflant chaud) à son oreille. Edmonde prit ma main en me disant que mieux valait les laisser seuls. Pourtant, avant que nous ne fussions sortis, il me cria encore :

« Ce soir, à huit heures et demie, n’ou­bliez pas de vous trouver sur la terrasse du rempart. Vous y verrez une jolie expé­rience. »

J’avais facilement obtenu d’Edmonde qu’elle vînt se réfugier dans ma chambre, niais nous étions tellement engourdis, après le pesant repas (nous avions mangé aussi d’un porcelet rôti vivant, comme l’oison vif et cuit selon la fameuse recette du Napoli­tain Délia Porta), que nous nous endormî­mes ainsi que de petits enfants. Une heure ou deux plus tard, quand je me réveillai, j’eus la bonne fortune d’ouvrir les yeux sur le grand et beau cul de cette fille, qui l’avait posé, pour m’en faire hommage, à moins d’un centimètre de mon nez. Elle retira du coffre certain élixir, dont elle me dit que c’était quintessence de céleri, et après en avoir bu deux verres je bandai sans rémission. Alors, jusqu’au soir, je fis prendre à ma partenaire toutes les positions qui me venaient à l’esprit, je l’exploitai de toutes les façons, je la besognai sur tous les points et en toutes les bondes que m’offrait son corps avec   une  inépuisable  générosité ;   elle  se prêtait à mes caprices, bénins ou vexatoires, comme une chienne bien habituée, mais elle montrait une timidité extrême quant à ce qui concernait Montorgueil et, quoique je me fusse prodigué de la prière à la menace et à l’imprécation, je n’arrivai pas à lui faire dire la moindre chose de son maître ni raconter le moindre détail de son entrée au château, son  mutisme  têtu,  à  ce  dernier endroit, confirmait assez ma pensée qu’elle avait dû y être menée contre son vouloir et après enlè­vement.
Vers les huit heures, nous fîmes quelques ablutions en commun,  suivant le plaisant usage de Gamehuche.  D’eau  très froide, elles me remirent en état la tête et les nerfs, qui m’avaient paru un peu dérangés, mais elles n’eurent aucun effet sur mon priapisme imperturbable : je continuai à bander tout comme auparavant, malgré tous les excès auxquels je m’étais livré sur le corps volup­tueux d’Edmonde, et celle-ci, avouant que j’avais bu peut-être trop de quintessence, me conseilla de m’habiller en bouclant serrée ma ceinture sur mon vit en position vertica­le, puisqu’il n’y avait pas moyen de le plier à quelqu’autre. Je suivis ce conseil ; la culotte de soie noire, qu’avait apportée mon amie, moulait une sorte de flèche dressée à hau­teur de mon nombril, cependant une longue veste (ou court mantelet) en velours de couleur pareille, avec des broderies blêmes, tombait assez bas, là-dessus, pour que la décence (si cette vertu avait trouvé logement en quelque coin du château singulier) ne souffrît nullement. Quand elle eut fini de m’ajuster, Edmonde m’embrassa, puis elle me dit qu’heureusement elle n’était pas conviée à l’expérience de ce jour et que j’al­lais monter sans elle au rempart. Là-haut, je ne trouvai pas non plus les négresses.

Seul de la tribu familière, le nègre Gracchus se promenait d’un bord à l’autre de la terrasse, et il affectait cet air dogue que ma personne, sans doute, lui faisait prendre hors de la présence du maître de maison. Avec lui, mais immobile, il y avait une fem­me qui m’était inconnue. Celle-là — dont les traits, quoique chagrins, annonçaient plutôt moins que plus de vingt ans — assise sur la balustrade peu élevée, tournait le dos à la mer ; elle me jeta un regard craintif, puis baissa de nouveau les yeux sur l’enfant de sept à huit mois qu’elle tenait étroitement embrassé. D’où sortaient-ils, tous les deux ? Je pensai que ce ne pouvait être que de l’une des tours à la fenêtre grillée, près de la porte cochère.

La terrasse, que j’avais vue, la première fois, dépouillée, se trouvait maintenant garnie d’accessoires comme un théâtre d’illusionniste.

Les objets n’avaient pas d’ombre  perceptible, à cause de l’heure avancée; cependant m’apparaissaient les moindres détails des êtres et des choses avec une merveilleuse acuité, dans cette lumière extraordinairement  diffuse  qui   baigne  le bord de mer, par beau temps, à la fin de la journée, quand les jours sont si longs que l’on dirait qu’ils peinent à finir  — et je distinguais dans chaque  couleur les plus menus écarts de nuances. Montorgueil n’aurait pu mieux choisir le lieu et le moment de son expérience. Au centre du pavement (indiqué par un losange de dalles plus sombres), un meuble, en forme de croix de Saint-André dans un cadre vertical, avait excité ma curio­sité par le bizarre appareil de courroies, de poulies et de leviers dont il était pourvu, mais j’échouai à m’expliquer d’une façon raisonnable son fonctionnement, ou son utilité. Un cadre plus petit, muni de cour­roies plus fragiles et dressé face à celui-là, ressemblait à un trapèze de salon. Il y avait encore deux grands fauteuils d’ébène et de cuir noir, un peu chauves-souris dans cette heure d’avant le crépuscule, et puis, sur un coussin d’astrakan mais teint en rosé framboise, un rasoir ancien qui devait être précieux, car il exhibait une lame roussie de damasquinures au bout d’un manche en or travaillé fiévreusement. Cet or, qui reposait sur du poil rosé, évoquant peut-être le contraste du dentier et de la gencive enflam­mée, fit sur moi une impression nettement désagréable.

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre X

in Art, L'anglais décrit..., Littérature

Chapitre X : Pendant la guerre

« Pendant la guerre, souvent, ils me livraient bien emballés et ficelés des officiers et des soldats qui étaient tombés dans leurs embuscades. Les prisonniers figuraient à mes spectacles, faisaient le sujet de mes expériences ; le maquis y gagnait d’être débarrassé d’eux sans se compromettre et de recevoir de moi quelque supplément de finance. Ainsi, d’un gros colonel wurtem-bergeois, je me rappelle que nous nous donnâmes la comédie de lui faire retirer son uniforme, son linge, et puis, tout nu, de tatouer sur la peau de son corps ledit unifor­me sans en rien oublier, ni les jambières, ni les décorations, ni les galons, ni l’étui du pistolet, ni le moindre bouton réglementai­re.
Après quoi, quand le bonhomme eût sucé (sans les mordre) les vits des nègres, et qu’il eût avalé tout le foutre, il fut expédié de la main de Caligula. J’ai grande sympa­thie pour les Israéliens, dont j’ai appris qu’ils faisaient subir la première partie de ce traitement à des officiers supérieurs et géné­raux de l’armée britannique, avant de les renvoyer, décorés de la sorte, à leur quartier. Ce serait une mode à répandre, que de tatouer ainsi tous les militaires de profes­sion. Mon seul regret est de n’avoir jamais pu me procurer, malgré la promesse d’une grosse prime, un exemplaire de ces glorieux généraux russes qui, plus que tous les autres, sont chargés d’or et de quincaillerie ; sur tel cuir de cosaque, à graver ces grandes épaulettes, ces brochettes de médailles, pensez quel joli travail on aurait pu faire ! »

Un mugissement assez lugubre, derrière nous, mit fin au quasi-monologue de M. de Montorgueil C’était  signal, me dit-on, qu’é­tait servi le déjeuner — le nègre Gracchus qui beuglait et râlait dans un grand coquil­lage tourné en spirale. Nous descendîmes, quand le buccinateur eut définitivement perdu le souffle.
— N’est-ce pas chez vous une petite manie, demandai-je à mon hôte, de donner une telle importance à la race de tous ceux dont vous contez l’histoire ?
Votre observation est bonne, dit-il. Je ne suis jamais arrivé à perdre complètement cette vieille habitude anglaise, et mauvaise, de parler d’un beau caniche, d’un gros percheron, d’un persan crème, plutôt que d’un chien, d’un cheval ou d’un chat. Tout ce qui nous vient de ces foutues patries nous rend sots.

Et il me poussa vers la salle à manger.

Là, dans le décor de la veille (mais à cires éteintes ; les tentures, roulées comme des voiles au-dessus d’un grand vitrage, du côté de la cour, laissant entrer dans la pièce un jour plutôt maussade), je trouvai la compa­gnie à laquelle je m’attendais ; c’est-à-dire qu’il ne manquait que Michelette, qui avait fait son temps et dont les crabes devaient avoir déjà nettoyé les petits os. Nous prîmes place dans l’ordre de la soirée précédente, à cette unique différence, encore, que Montcul et Luna de Warmdreck ne partageaient avec personne leur canapé.
Edmonde, quoique surgie de la cuisine où, nous dit-elle, elle avait passé des heures à l’intention de notre gueule, était souriante et fraîche ; sa gorge et son cul bondissaient sous la chemise mauve, plus gros et plus beaux par l’effet d’une guêpière en cuir doré qui étran­glait la taille. Les deux nègres firent leurs allées et venues avec de grands plateaux d’oursins, ce dont je me réjouis, d’abord, car je n’aime rien tant que les délicieuses grappes orange ou safran qui sont la ponte de ces vivants fruits de mer, mais je fus désappointé, car d’oursins ce n’étaient que des carapaces, et chacune contenait un testi­cule (d’agneau) braisé, sur un lit de purée d’échalotes. Blâmant ce mets, qui était, à mon goût, détestable, je lui trouvai pourtant de l’esprit, et j’en louai l’invention, car la coquille de l’oursin, couleur chair à l’inté­rieur et velue d’un poil piquant à l’extérieur, est morphologiquement un con avec tant d’évidence qu’elle pourrait passer pour une plaisanterie de la nature. Il y avait donc un certain humour à loger une couille en tel endroit, plus banalement adapté à recevoir une tête de vit.

Cependant que les nègres, avec des mines de porcs, dévoraient les testicules et gamahuchaient l’intérieur des carapaces, Montorgueil à son habitude, vitupérait l’Angleterre, et il nous contait des histoires d’un sien parent, Mountarse du siècle passé, avec qui la reine Victoria plantait ramures à son époux ainsi qu’à son amant principal : Lord Alfred Tennyson.
A la première bordée, dit-il, que mon oncle tira sur le royal matelas, il sodomisa Sa Gracieuse Majesté, et d’un si bel élan qu’elle en fut toute ravie, car elle avait fort à se plaindre du Poète Lauréat qui, pour des raisons fondées notamment sur la lecture de la Bible et du dictionnaire médical, ne la voulait emmancher pas plus d’une fois par semaine et jamais ailleurs que dans ce qu’il appelait le « vase de bonne moralité », id est : le vagin.


Mon oncle, au contraire, qui était un homme à queue, la besogna dans tous ses orifices, sans rechigner, après qu’il lui avait bien rempli le con, à lui en remettre plein le cul, plein la bouche et même plein les trous du nez. Il paraît — ce que je vous dis là, je l’ai lu dans les mémoires (encore inédits, malheureusement) de mon oncle Jonathan Mountarse — que la reine avalait goulûment le foutre et qu’elle raclait du plat de la main tout ce qui bavait et dégouttait de partout où on l’avait pinée pour se le jeter, après, dans le gosier, en braillant que c’était meilleur que du sabayon au whisky, et qu’auprès de la jute de Mountarse celle de Tennyson n’était que de l’eau de riz. Mon oncle finit par étriller la royale garce à coups de bretelles ; alors, pour l’en remercier, elle le fit chevalier de la Jarretière. Je n’ai pas réussi à la Cour aussi bien que sir Jonathan. Avouons, car en tout je veux être juste, qu’il bandait assurément plus vite que moi ; et puis les culs des royalties se sont rarement trouvés à portée de mon lastex.

Il s’interrompit pour se servir d’un plat de petites langues (si petites que je ne saurais les attribuer à nulles bêtes qu’à des cochons d’Inde), avant de reprendre, presque sans transition.
— Observez, je vous prie, l’objet par excel­lence usuel de la famille et du foyer en Grande-Bretagne : la théière anglaise. Il faudrait être bien dépourvu de sens critique pour admettre que pareil ustensile sert exclusivement à préparer des infusions. La forme, en vit mesquin, de son bec, son ventre rond que nos morues nationales emplissent d’eau chaude avant de se l’appli­quer sur la motte, vous indiquent, sans possible erreur, sa destination.

La théière anglaise (certaine, que j’ai vue, était gainée d’astrakan comme le bas-ventre d’un zoulou) est un godemiché ; sans doute le res­tera-t-elle jusqu’à la fin du monde, ou jusqu’à ce que mes compatriotes aient appris (chose improbable) à faire reluire un peu leurs tristes femelles. N’est-ce pas, d’ail­leurs, l’idéal de toutes les femmes au Royaume-Uni que l’homme-tronc, infirme à gros vit, théière encore, qui leur serait absolument remis à discrétion ? J’ajouterai, toujours à propos de cette forme singulière­ment allusive, que la théière anglaise ressemble tellement aussi à la tête d’un rhinocéros que j’ai souvent rêvé de posséder un animal de cette espèce, dressé à foutre de la corne ; j’aurais lâché mon bestiau dans le Parc, à l’heure des petits sermons, et je vous assure qu’il y aurait eu du cri, du mouve­ment, de la joie…
Il devenait monotone, dans son chauvinis­me à rebours (c’était comme un caquet de toupie irlandaise) ; alors, pour changer de musique, je lui rappelai qu’il m’avait promis une autre histoire, et précisément l’arrivée de son amie, la jeune princesse, à Gamehuche.

— Qu’en pense ladite jeune princesse ? demanda-t-il.
Et encore, maniant sans indulgence les seins de sa voisine :

— Répondras-tu, bougresse ? C’est de toi qu’il s’agit.
— La princesse et la bougresse sont aux ordres de M. de Montorgueil pour tout ce qu’il lui plaira d’exiger, dit l’Allemande, avec un soupir et un beau mouvement de gorge.
Bon, reprit-il ; je suis un galant hom­me, et sans le consentement de la principale intéressée je n’aurais rien raconté du tout, mais, puisqu’elle le veut, je commence.

« C’est donc entre le printemps et l’été de l’année 1942 que je rencontrai pour la première fois le général baron von Novar, lequel venait d’être promu au commande­ment des forces aériennes pour la région de basse Bretagne. Ayant entendu parler de votre hôte et serviteur comme d’une sorte d’original anglais (l’expression a toujours cours), dégoûté de sa propre patrie mais grand admirateur de la nouvelle Allemagne, le général m’avait voulu connaître, et fort civilement, je dois l’avouer, pour étonnant que cela paraisse), après que les siens m’eu­rent averti de la visite, il s’était fait conduire au château et présenter à moi. Au bruit de l’escorte motocycliste, pétaradant sur la plage en attendant que le gué devînt prati­cable aux machines, je m’étais heureuse­ment avisé (pour éviter tout fâcheux inci­dent) d’enfermer dans l’une des tours grillées deux Juifs que m’avait confiés le maquis et qui provenaient d’un petit village de l’inté­rieur, où ils s’étaient réfugiés assez légère­ment.

« Novar, car j’avais su dire ce qu’il fallait pour plaire à telle brute, bientôt m’aima plus que tous ses compatriotes (qu’il mépri­sait, d’ailleurs, quand leurs grades étaient plus bas que le sien) ; ce fut au point qu’il ne pouvait plus se passer de moi, et trois ou quatre fois par semaine il venait me retrou­ver à Gamehuche. Son habitude était de se faire toujours accompagner par sa nièce, la jeune princesse de Warmdreck, que vous voyez là et que je touche au bon endroit, sous sa robe, en ce moment même. La prin­cesse est maniable. La putain est rieuse. Rira bien qui rira le dernier. Mais je crois que je m’écarte de mon histoire.
Le général — pour revenir à notre mouton galonné — s’était donc pris pour moi d’une affection fanatique et, dans un accès de confiance qu’assurément je ne méritais pas, il me raconta, sous le sceau du secret, comment et pourquoi il avait emmené sa nièce avec lui. Le prétexte allé­gué étant qu’il avait besoin de la jeune fille en tant que secrétaire, la véritable raison de sa démarche avait été de lui faire quitter l’Allemagne pour qu’elle échappât au service du travail obligatoire et à certaines promiscuités indignes d’une personne de son rang, s’il y avait eu des princes régnants, avant Bismarck, dans la famille.

« Au début, c’est avec un petit ennui que j’avais subi des visites auxquelles l’équilibre fragile de ma position ne me permettait évidemment pas de me dérober, mais je fus séduit, bientôt, par le comique involontaire qui fait aigrette aux officiers supérieurs et généraux dans les armées de tous les pays du monde, et je ne me lassai plus des confiden­ces de Novar. Un mouton, d’ailleurs, je le répète, pour le caractère. Et sa nièce com­mençait à me donner bien agréable­ment à penser. Avec eux venait souvent un troisième personnage, que je voyais avec moins de plaisir et qui me regardait sans amitié. Celui-là, dont il se laissait entendre, quoique de façon non pas officielle, qu’il était fiancé à la princesse Luneborge. ser­vait avec le grade de pilote lieutenant dans les formations maritimes de la Luftwaffe ; son insigne était une chose en forme d’aile­ron ou de nageoire. Noble aussi, et de toute première catégorie, mais bien moins humain que bestial, c’était un garçon blanc et roux qui avait près de deux mètres de haut et qui répandait autour de lui une forte odeur de chenil. Peut-être abusait-il du shampooing au pyrèthic. S’il bandait avec ostentation (les culottes militaires et ces courtes vareuses sont coupées exprès pour faire montre de cela), il n’était pas besoin d’être devin, ni père aumônier, pour voir que la putain de nièce mouillait pour lui et que ia grosse bite du premier savait à fond les bons coins de ia seconde. Or (l’ai-je dit ?), j’avais ces coins-là dans la tète et dans le ventre comme on y a la poignante image de Saint-Pierre de Rome, des Invali­des ou d’un bordel encore inédit.

La chaleur augmentant à mesure qu’al­lait la saison, le général envoyait quelquefois une voiture militaire pour me prendre à Gamehuche et me conduire sur une plage déserte, près de Saint-Quoi-de-Vit ; le trio s’y baignait habituellement sous la garde des seuls motocyclistes, postés, rigides, au pied d’une petite dune. Novar, qui s’abritait d’une ombrelle, jasait avec innocence, sans qu’il fût nécessaire de l’écouter plus que le gravier bruissant. Luneborge laissait que le soleil l’eût rougie, puis, toute pivoine et muette, elle se jetait à la mer et poussait très loin au large d’une nage puissante et tran­quille. La suivait à courte distance ce bougre que je détestais : le lieutenant Conradin. J’étais bien sûr que les fiancés s’emman­chaient dans la pleine eau (succulent exploit, d’ailleurs, dont voici la recette éprouvée : la femelle faisant la planche, le mâle se place dessous, et puis, guidant le vit bandé dur à la fente de son choix, brutalement, si l’eau salée lubrifie mal, il enconne, ou encule, d’un bon coup de reins ; alors il n’y a plus qu’à se confier au mouvement des vagues, qui vous bercent l’échiné ainsi que des mains serviles appliquées sous un hamac ; mais n’oubliez pas, c’est prudent, de vous passer au cou, pour ne pas risquer de le perdre, caleçon ou maillot, le linge retiré au début de l’opération). Quand ils revenaient, après une heure ou plus encore, le visage tiré de fatigue et le souffle rompu, j’enviais l’homme. La putain s’abattait sur le sable, défaite comme si elle avait servi une escoua­de de tirailleurs ; paupières baissées tout de suite sur les patientes aiguës-marines que vous voyez là (je ne connais rien qui provoque aux grands excès comme le vide de telles prunelles enchâssées bleu pâle dans une peau bien dorée), elle séchait au soleil ses beaux cheveux, son beau pelage noisette exhibé sans pudeur aux aisselles. Lui, le salaud, d’une main glissée dessous je voyais qu’il lui maniait doucement les fesses, et il rebandait à l’ouvrage, tandis que d’une légère houle de la croupe et du ventre elle montrait qu’elle n’était pas insensible.

Foutrechaud ! je me jurai que la garce avant longtemps servirait d’étui à ma pine.
Mis au courant de mon désir, prévenus qu’il y aurait grassement à gagner le jour où l’on m’apporterait en bon état la triple proie, les hommes du maquis firent leur plan d’attaque. Ce fut le lendemain de la Saint-Jean qu’ils l’exécutèrent, et par une matinée de chaleur dense qui devait inévi­tablement faire courir au bain mon gibier, tandis que j’avais prétexté de sauts à travers le feu, de rondes et des autres fatigues de la veille pour ne pas m’écarter du château.

« Le soleil brûlait à faire péter les cailloux du rivage, et il tapait durement sur le ras des crânes germaniques. Aussi les motocyclistes qui, en bons soldats, dormaient debout à leur poste, furent-ils au sable avant d’avoir pu se mettre en garde, moins grièvement atteints qu’étourdis par des projectiles issus d’armes pneumatiques et silencieuses de mon arsenal particulier. Les trois personna­ges principaux venaient de se rhabiller si, même pour eux, il faisait vraiment trop chaud ce matin-là (et une demi-heure plus tard mes gens de main eussent trouvé la plage vide) ; nulle résistance n’étant pos­sible, ils furent pris, ficelés, bâillonnés, encagoulés, jetés sur une charrette entre deux lits de varech comme des homards que l’on veut tenir frais. Alors on revint aux blessés (légèrement) et, puisque la mer commençait à monter, on les enfouit très proprement jusqu’aux épaules, tout nus, mais les bras liés au torse, dans le sable humide, à cinquante mètres à peu près des premières vagues ; cela de façon qu’ils eussent bien le temps de voir venir le flot avant d’être saisis dans ses remous. La noyade ainsi, par jappements, écume et dérobades, je suis assez d’avis que le système nerveux doit s’y déchirer, et s’effriter la raison, comme dans la mort sous le fouet. Peut-être même y avait-il trop de munificen­ce à traiter aussi luxueusement un si piteux bétail que des plantons ordinaires de la Luftwaffe.

« Quant aux prisonniers, lorsqu’ils furent déchaperonnés (permettez-moi, s’il vous plaît, ce terme de fauconnerie!, ils se trou­vaient dans la salle où nous sommes, et c’était vers la fin de l’après-midi ; rideaux tirés, toutes cires allumées, quoique au dehors il fît grand jour et que la chaleur fût encore excessive. Les maquisards étaient disparus, éparpillés dans la lande et dans le bocage sitôt après avoir empoché leurs napoléons.
Vous voyez autour de vous, à cette diffé­rence qu’il est maintenant dans son éclairage diurne, le théâtre du jeu ; passons briève­ment en revue, acteurs, victimes, figurants, les personnes qui vont y prendre part :
Nous avons donc, du côté des étrangers, le général von Novar, le lieutenant Conradin et la princesse de Warmdreck. Les deux premiers sont en petit uniforme de la Waffe, mais chaussés d’espadrilles non pas régle­mentaires. Luneborge, pieds nus, est vêtue seulement d’une courte robe de plage en toile orange, qui fait belle montre de ses épaules brunes, de ses aisselles, de ses jambes et d’un intéressant début de gorge. « De l’autre côté, celui des habitants du château, voici d’abord le maître de maison, votre serviteur ; lequel porte ce jour-là une robe de chambre en cachemire noir, ceintu­rée de soie violette, qui lui donne un peu l’air de « Sa Grandeur Mgr de Garnehuche ». Entièrement nu sous cette robe de chambre, il est chaussé de pantoufles en daim noir, à talons violets. Se trouvent à sa droite et à sa gauche deux filles de race noire, nos jeunes amies Viola et Candida, toutes nues dans de longues robes fendues par devant et dégrafées qui, mauve l’une, la seconde rosé vif, ont été bâties de peaux de ces chèvres du Tibet qui ont le poil doux comme du cheveu de femme ; les jambes de ces coquines paraissent encore plus élancées du fait d’escarpins rouges à talons hauts. Les deux nègres Gracchus et Publicola, torse nu, pieds nus, n’ont rien que des culottes collan­tes — l’un satin blanc, cramoisi l’autre — qui leur tombent plus bas que le genou selon la mode des anciens pêcheurs napolitains ; et puis, pour compléter le costume ou pour occuper leurs mains, ils tiennent chacun sur un plat d’argent un grand bouquet d’asper­ges, dont Mgr de Gamehuche, comme avec distraction, sucera une branche, parfois.
« Seuls personnages que vous ne connais­siez pas {et pour cause !), deux Juifs dont il fut déjà question, John-Henry Rotschîss, trafiquant naguère en ferrailles, et le dentiste Simon Vert, achèvent la compagnie. Ces deux-là (je les y ai forcés sous prétexte de les protéger par tel déguisement) sont en habits de capucins, de la couleur brenneuse que vous savez ; leur teint livide, le brillant de leur peau suintant gras vont dans le froc aussi naturellement que des feuilles d’oseille sous le ventre d’une alose.

« Et maintenant, sans autre lever de rideau, le jeu commence. Les prisonniers se regardent, regardent autour d’eux, me regardent, avec quelque ébahissement et des cillements d’yeux qui font penser à des nocturnes saisis dans un faisceau de lumière. Puis les hommes ont dû se rappeler qu’ils sont sont de guerre, officiers, nobles et Prussiens, car ils prennent cet air de tronc que l’on sait et qui est une sorte d’érection morose. La fille, au contraire, toute molle, ondule comme une petite loutre apeurée.
« Selon les prérogatives de son grade, le général a droit aux premiers mots. C’est pour me dire que je serai fusillé, et qu’il va me montrer comment meurent les héros de son pays.

« — Double erreur, mon cher général, je ne serai pas fusillé car nul des tiens ne saura jamais que ce fut ici, dans un trou à crabes, le terme de ta trop longue carrière ; et il ne s’agit pas de mourir en héros de ton pays ou d’un autre, mais de me réjouir par le specta­cle de ton abaissement, de ton déshonneur et des vexations que l’on va t’infliger. Hébreux, je vous livre le général, traitez-le comme il vous plaira.
« Je le mouche d’une double torsion nasa­le, je lui donne du pied aux couilles, je le pousse vers les Juifs. Ceux-là, voyant l’uni­forme de leurs bourreaux habituels, d’abord avaient fui derrière la colonnade, puis, reve­nus à petit trot, ils s’étaient mis à ricaner si férocement et si horriblement que, n’eût été leur utilité en tant qu’instruments vexatoires, je crois que je les aurais fait dépêcher avant même de m’attaquer aux Allemands.

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre IX

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Chapitre IX: M. de Montorgueil ou l’équilibre entre philosophie et arrivisme

— Qui est donc cette baronne Séphora, dont il fut question tout à l’heure ? demandai-je après quelques moments, pour rompre le silence plutôt que par curiosité.
— Oh ! dit Montorgueil c’était une personne assez dépourvue d’intérêt. Austro-Polo­naise, passant la cinquantaine, elle m’avait été livrée par les garçons d’un maquis, où elle avait cherché refuge dans la crainte de la police allemande. Elle se donnait des airs qui n’étaient sur rien fondés, ba­fouillait un peu de théosophie, préten­dait à se nourrir uniquement d’œufs crus, de laitages et de miel. Comme elle affec­tait aussi de détester les animaux, et les chiens en particulier, à la manière de Restif,
je me suis amusé à faire foutre cette vieille peau par mes dogues. Le plus drôle de l’his­toire fut quand elle refusa de se tenir à quatre pattes, prête au martyre, si l’on voulait, mais soucieuse de sa « dignité d’être humain » ; et elle se roulait toute nue par terre, où ses cuisses, affligées de cellulite, grelottaient comme des rideaux mouillés.
Pour l’obliger à faire la chienne, nous dûmes attacher ses pieds et ses mains à quatre anneaux que vous voyez ici, en outre du collier qui a suffi à Michelette, et placer sous son ventre un fagot de branches d’aca­cia. Bien saupoudrée, vous l’auriez vue faire beau cul pour Wellington. Quelles épousail­les ! La gueuse en eût redemandé… Mais, et je m’en excuse, je me sens tout à coup un peu las. La faute en est à cette petite coquine qu’ils sont en train d’expédier. Ne voudriez-vous pas —j’en aurais, quant à moi, très grand plaisir — que nous reprenions demain notre entretien ? Vous me pourriez rencon­trer vers midi, sur le rempart du château, et nous jaserions en regardant la mer avant d’aller déjeuner.

J’acceptai le rendez-vous. Je souhaitai bonne nuit à mon hôte ; il se retira. Nous libérâmes Edmonde, qui geignait sous ses liens, et puis je gagnai ma chambre avec Viola et Candida, et dans le grand lit circulaire nous fîmes encore une longue partie de queue, avant de céder à ce bon sommeil d’après foutre, qui est paisible, profond, réparateur, et qui mérite, en vérité, le nom de sommeil du juste ou de sommeil de l’in­nocent.

A mon réveil (premier, devrais-je dire), il faisait jour et j’étais seul dans la chambre ronde. Le désordre des draps, plaqués, non loin de moi, de foutre sec, témoignait assez bien que je n’avais pas rêvé certains exploits de la veille, et je savais que si j’étais sorti, puis rentré, j’aurais été saisi à la gorge par cette puissante odeur que laissent les femmes de peau noire quand elles ont passé la nuit dans un lieu clos. Je m’abstins, toute­fois, de faire l’épreuve, préférant demeurer coi dans une puanteur où je ne flairais rien (habitude aidant) qu’un air un peu lourd. Celui-ci, la fatigue et mon immobilité valaient une bonne dose de narcotique : je fis encore un somme.

Il ne devait pas être beaucoup plus tard quand un joyeux vacarme me réveilla de nouveau. Alors je vis paraître mes belles amies, qui (poussant, tirant et non sans peine) produisirent hors du trou de l’escalier un plateau de dimensions impressionnantes, lequel, posé sur le lit comme une table, portait de grandes tasses toutes pleines d’un chocolat épais et maléfique, une pyramide de galettes sorties du four à mi-cuisson, des compotiers de purée d’anchois aux fines herbes, de hachis de viande crue et de cibou­le, des confitures de fleurs d’acacia, de capu­cines et de violettes. L’excuse étant de restaurer nos forces, nous fîmes assaut de gloutonnerie ; mes amies, je m’en souviens, faillirent s’étrangler de rire (j’oubliais d’avertir que, pour bâfrer, elles s’étaient mises toutes nues, et que je n’avais pas non plus le moindre vêtement) quand une tartine de violettes me peignit les lèvres et le palais de la couleur qu’on voit aux chiens chow-chow ; chez elles, l’effet en restait inaperçu, naturellement. Les vertus de cette collation, que l’on me permettra d’appeler musquée, se firent bientôt sentir, et je payai de retour les jolies gourmandes en leur en fourrant plein la bouche, et puis plein le ventre, mais à coups de pique. Avouons, pour être franc, que Viola seule obtint du foutre ; je ne voulais pas, dès le matin, émousser trop mon arme.

Après cette bourrasque, il y eut accalmie ; puis nous descendîmes tous les trois ensemble dans la salle de bains, et là, dans le grand bassin que d’avance on avait rempli d’une eau saturée probablement de gaz, puisqu’elle fumait et pétillait comme du Champagne tiède, nous fîmes durer long­temps des ablutions rendues tout à fait déli­cieuses par les prétextes qu’elles offraient aux jeux innocents et pervers, aux recher­ches intimes, aux plaisantes comparaisons, aux fausses naïvetés, aux curiosités enfanti­nes et à la satisfaction desdites curiosités. En bref, je sortis du bain bandé à neuf, les muscles gonflés, la tête libre, le cœur réglé comme un chronomètre. Rien ne vaut les enfantillages, quand il s’agit de remonter un homme. Et plutôt qu’à ce Balthazar, sous le nom duquel on m’avait affublé, je me comparai au roi Salomon parvenu à l’âge le plus vénérable et qui retrouvait la vigueur de ses jeunes années en mêlant son vieux corps aux ébats lascifs de petites filles nues.

Je me rasai ; Candida me frictionna au gant de crin ; Viola me passa quelques langues, et puis du talc, aux endroits parti­culièrement sensibles. Toutes deux, ensuite, m’aidèrent à m’habiller. Ce fut ainsi que la veille, et par-dessus le vêtement brillant que j’ai décrit elles jetèrent une grande cape, d’allure assez pastorale, qui par la couleur et la matière du tissu semblait avoir été coupée dans un pan de mousse morte. Disparues leurs nudités aussi sous des robes en astra­kan, ouvertes par devant, comme des lévites, et dont les peaux ne se distinguaient en rien du poil lustré de Candida, nous sortîmes ; cependant je quittai mes amies dans la cour, au pied d’un escalier qu’elles m’avaient indiqué pour l’ascension que je voulais faire.

Là-haut, je ne trouvai personne. Un grand vent soufflait, qui me glaça, et je serrai frileusement autour de moi l’étoffe, épaisse par bonheur, qu’il faisait claquer. Je pris le chemin de guet, par où j’arrivai à une terras­se de belle étendue, quoique de forme, irré­gulière, située au-dessus de ce que j’ai appelé le principal corps d’habitation, c’est-à-dire du donjon et des deux petites tours latérales ; ladite terrasse, bordée d’un para­pet point très haut du côté de la cour, suivait évidemment le plan en ligne festonnée des bâtiments qui la supportaient, tandis que du côté de la mer elle était limitée par la courbe du rempart. Il ne devait pas être loin de midi, si mon ombre sur les dalles de granit faisait une tache qu’aurait couverte un gros lapin. La pleine mer était passée de peu ; refluait le courant, bien visible selon le trajet des paquets d’écume, des varechs et des menus corps flottants ; une bouée, sur sa chaîne, tirait vers le large ; mais il s’en fallait de plusieurs mètres qu’on vît rien paraître de la chaussée qui reliait le château à la terre, et les vagues, sans se briser, léchaient la base du rempart comme elles font la coque d’un navire en eau profonde. Des oiseaux gris tourbillonnaient, avec des cris de folles.

Il est un peu tard pour les voir plonger, dit une voix. C’est à marée montante que le poisson vient près de la surface, et qu’ils font leur butin.

Celui que j’attendais, averti, je pense, par les moricaudes, était monté sans que j’eusse rien entendu, et il se tenait à côté de moi, tête nue, les cheveux dans le vent, le reste chaudement couvert d’une pelisse en renards de pays, qui traînait un peu sur ses pantoufles.

Le visage de Montorgueil, quand on a eu le bonheur (ou le malheur) de le rencontrer, ne s’oublie pas facilement, et je suis persuadé que les victimes de cet homme, en fermant pour la dernière fois leurs paupières, auront emporté son image dans la mort. Un peu plus grand que normal selon les proportions du corps, le visage dont je parle apparaît troué de grands yeux très clairs, à la prunelle jaune paille, sous des sourcils brun roux, très minces ; le nez est grand, un peu busqué sur des narines bien ouvertes et frémissan­tes ; grande aussi la bouche, avec des lèvres très pâles, strictement closes, cambrées voluptueusement comme les babines des plus gros félins ; la peau, presque trop blanche, est rasée de si près, poudrée si exactement, que l’on n’y a jamais vu un soupçon de poil. Flotte sur tout cela une très grande chevelure acajou et cuivre, divisée en deux vagues par une raie au-dessus de l’œil gauche, et qui retombe plus bas que les oreilles, à la mode des femmes et de certains pédérastes ridicules (mais Montorgueil, qui n’est pas pédéraste, est tout au monde plutôt que ridicule). Le cou, assez féminin, se trouve arrondi du bas comme par un début de goitre, et Montorgueil ne porte jamais que des cols (de soie) ouverts ou des cols très larges. Il faudrait dire aussi un air entre l’aigle pêcheur et le prélat anglican, qui n’est pas le moins singulier du personnage.

Je parle de lui au présent, comme s’il était vif, car malgré ce que j’ai appris (et que l’on apprendra dans la suite), je doute encore qu’il ne le soit plus.

Voyant que je l’examinais de la tête aux pieds, il se mit à rire.
— Que pensez-vous de notre carnaval ? me demanda-t-il.
Et comme je ne savais quoi répondre, il poursuivit :
— Ne me prenez pas tout à fait pour une chère petite folle qui soignerait son vague à l’âme par le moyen du travesti. J’aurais tort à nier, pourtant, le goût un peu outré que j’ai pour le masque et pour tous les déguise­ments possibles et imaginables. N’imputez qu’à celui-là le menu du dîner qui vous fut servi hier soir et résignez-vous : vos prochains repas seront dans le même ordre, ou, si vous préférez, dans le même désordre. Vous admettrez bien aussi, puisque j’avais décidé de me retirer du monde, de rompre absolument avec mon milieu, mon existence passée, et puisque à ces diverses fins je suis devenu propriétaire de ce château situé, nous l’avons vu, en marge de la terre des hommes, château que j’ai fait reconstruire et décorer sans aucun souci esthétique, mais dans la seule ambition d’y créer un climat dépaysant, vous admettrez, dis-je, qu’il convenait encore d’y abolir le costume aujourd’hui porté presque sans exception d’un bout du monde à l’autre. Tel costume, d’ailleurs, étant assez vilain d’aspect, mal commode aux parties délicates de notre corps et puant le commun bourgeois anglais, créature que dans le rang des êtres naturels je placerais très peu au-dessus du rat d’égout (mus panticus selon les zoologues, pantegana dans la cité des doges). Ce dix-huitième siècle de fantaisie dont j’habille tous ceux qui, de bon gré ou de force, me viennent rejoindre à Gamehuche, bien entendu je ne le prends pas au sérieux ; pourtant je trouve qu’il ne vous va pas mal et qu’il va délicatement à mes nègres. Et ces robes de chambre que nous portons vous et moi, sous nos grands manteaux de plein air, l’idée m’en est venue en écoutant (une fois de plus) l’une des choses qui me sont les plus chères dans le domaine de la musique : la fin du premier acte de Don Giovanni. Il saute aux yeux que les dessins du seul Anglais qui ait jamais su tenir un crayon ou un pinceau (celui qui repose au cimetière de Menton ; soit dit pour abréger la devinette) m’ont largement aidé à composer mon vestiaire.
Si je fis une réponse à cet endroit, elle était insignifiante, et je ne veux pas la rappeler, non plus, d’ailleurs, que toute la part (seule­ment de comparse) que je pris à la conversa­tion. Ce ne sont donc que les propos de Montcul (un peu comme des Montculiana) qu’à partir d’ici je citerai, et sans doute ne seront-ils pas même rangés dans l’ordre exact où ils furent prononcés ce matin-là. Mais ils n’en mettront pas moins un peu delumière sur le génie bizarre du seigneur de Gamehuche.

— J’ai vécu dans la plupart des grandes villes d’Europe, et surtout à Paris et à Londres. Je vous avoue que je m’y suis toujours ennuyé fort à ces passe-temps virils que, selon votre langage et votre tempéra­ment, vous appellerez noce, libertinage, galan­terie ou crapule, et que leurs limites, trop tôt rencontrées, ne m’ont jamais permis d’y prendre un plaisir véritable. L’adultère sous sa housse en imprimé Géraldy, franche­ment, quelle purge ! Et ces jeunes filles dont le déshabillé répandait une forte odeur de gibier d’eau, rue Paul-Valéry, ou encore dans une accueillante maison de la rue du Bac, pleine de chats siamois et de sujets anatomiques comme des ex-voto de plâtre médical, quelle litanie ! Tant d’hommes, là-bas, dont le point d’orgueil est de se préten­dre coureurs de filles, chasseurs de femmes ; l’idée ne se fera-t-elle jamais place en leur petit crâne que, de toute chasse, l’essentiel est la mise à mort ? Quête, traque, poursuite (ce sont les mots qu’ils emploient), leur jeu ne cesserait d’être factice et frivole que s’il aboutissait non plus à une simple fouterie d’après bal de famille mais au pur déchaîne­ment du chasseur sur sa proie. « C’est chose assurément bien fragile que la beauté d’une belle femme. Suffît d’un rasoir au bout d’un bras de nègre (ou dans la main velue d’un orang-outan, selon nos classiques préférés), et en trois mouvements un peu lestes ce qui fut votre perle, votre tulipe noire, votre idole, votre chef-d’œuvre de la création, ressemble fort à une tête de veau écorchée. »
« Et puis comment admettre, je vous prie, que ces putains qui nous auront servi puis­sent encore servir à tant d’autres après nous ? N’y a-t-il pas quelque impardonna­ble manque d’esprit dans cette tolérance ? Ne vous semble-t-elle pas en contradiction flagrante avec les formes que nous exigeons, ailleurs, du plaisir ? Quand nous avons savouré un beau poisson, ou une volaille, notre satisfaction est meilleure, et nous digé­rons mieux, de voir qu’il n’en reste sur le plat qu’une carcasse effondrée. C’est tout de même que la débauche, à mon avis, ne va pas sans la destruction physique de la créature qui n’était là que pour nous don­ner le plaisir de son corps. Car il n’est pas d’autre façon d’éteindre vraiment le désir, ah si j’étais capable d’amour, alors je crois que j’épouserais, et que j’aimerais fidèle­ment à travers toutes les épreuves et jusque dans les plus grands supplices. Mais l’amour est un mot galvaudé. »

« Cette jeune Allemande que vous avez vue hier soir, il est probable que je ne lui ferai pas grâce, car je ne l’aime pas véritable­ment et je n’ai jamais pensé que je pourrais l’épouser ; cependant elle me ressemble telle­ment en de certaines choses que, jusqu’ici, je lui ai toujours épargné le pire. Aucune de mes putains passées, d’ailleurs, ne m’a fait perdre autant de foutre que cette coquine-la. Ainsi, pour elle, le danger est encore lointain. Mais je ne crois pas qu’elle se fasse la moindre illusion sur ce qui l’attend à la fin de son service.
« Tout à l’heure, quand nous serons à table, rappelez-moi de vous conter comment elle est arrivée au château. L’histoire en est plaisante. »

« Pendant les dernières années que je passai au milieu des hommes, avant que je n’eusse revêtu mon habit d’ermite, il me prenait fantaisie d’imaginer (et d’exécuter, presque toujours) maintes choses qui se peuvent accomplir sans insurmontables difficultés, mais dont l’idée, malheureuse­ment, ne vient à personne. Ainsi, voler est fastidieux, collégien et un peu fleur à la boutonnière, à moins que l’on ne soit dans le besoin (et dans ce dernier cas il est beau­coup plus facile de gagner légalement ses banknotes), mais rajouter des tableaux au Louvre ou à la National Gallery, faire pénétrer des objets saugrenus dans l’ordre poussiéreux et solennel des musées natio­naux, voilà des crimes vierges : non punis­sables, veux-je dire, si le législateur ne s’est pas encore avisé qu’ils sont possibles et que, même, ils ont déjà été commis. Semer des éditions de grand prix (la première, entre autres, des Fleurs du Mal et la Délie de chez Sulpice Sabon) dans les boîtes à dix francs au choix, sur les quais, m’amusa. Je plaçai des perles de belle taille dans plusieurs huîtres et puis je distribuai mes coquillages aux éventaires, en prenant garde que le marchand ne me vît pas ; la plupart étant bien fines, cependant, pour la bonne surpri­se, j’en mis aussi quelques fausses. Pareille­ment j’introduisis des louis d’or dans l’esto­mac des carpes les plus grosses, au marché du quartier Saint-Paul, qui est, comme vous savez, le quartier juif. On se battait aux pois­sonneries, le lendemain, et deux femmes avec quelques enfants périrent dans le tumulte. Des anguilles et des écrevisses vivantes apparurent dans les bénitiers des églises, singulièrement à Notre-Dame, pour la grand-messe ; ce fut soupe aux poissons pour le bedeau. A l’inverse de ces libéralités, une solution de strichnine ou de certains prussiates, mais à dose foudroyante, que l’on injecte à la seringue sous l’écorce d’oranges ou de mandarines, jetées ensuite aux étalages, donne souvent, comme disent les médecins, un excellent résultat. Je vous recommande encore (mais il ne faut pas se livrer trop fréquemment à cette plai­santerie) des punaises bien pointues que vous éparpillerez, après les avoir enduites d’une pommade au curare, sur le plan­cher des pontons qui servent aux bains fluviaux.

« Enrichir ainsi le hasard est source de grandes joies. Vous y trouveriez le calme des nerfs, la paix de l’âme, plus sûrement qu’à perdre tout un baquet de foutre. Pourtant je parierais que vous ne suivrez pas mon conseil, car (une fois de plus, laissez-moi m’en étonner) personne (ni même la jeune princesse de Warmdreck) ne s’est jamais rencontré qui partageât avec moi le goût et l’intelligence de ces entreprises. »

« J’avais fait une belle liste de mes amuse­ments passés et à venir, que je regrette, à votre égard, de n’avoir pas conservée. Quand vraiment je fus au bout de la liste, je partis pour Gamehuche. Mon installation et l’aménagement du château, selon les directi­ves que vous connaissez, étaient terminés de peu quand survint la guerre ; bien à point, je l’avoue, pour supprimer avec le vieil ordre légal la plupart des obstacles qui auraient gêné mes desseins.

« Ce n’est pas sans plaisir, naturellement, que j’appris la défaite des forces armées d’Angleterre, de France et de Belgique et leur course éperdue vers les Pyrénées. Étant sain d’esprit, j’ai toujours aimé voir cavaler les militaires de mon pays ; à leur passage au contrôle, dans la région de Gamehuche, ceux-là étaient bons premiers, grâce à la vélocité des camions de la R.A.F. Quelques jours plus tard, les Allemands arrivaient, et ils occupèrent toute la côte.
« Comme j’affichais hautement la haine et le dégoût que j’ai de ma patrie, et comme, choqué par l’idiotie des Battenberg qui venaient de changer leur nom contre celui de Mountbatten, j’avais, moi, traduit le mien et fait Montorgueil de Mountarse, les Alle­mands, dans un élan de cette énorme stupi­dité qui est tout le fond de l’âme germani­que, me prirent pour un fasciste anglais, ou je ne sais quoi, enfin pour un sûr partisan de leur cause, et ils me donnèrent leur bienveil­lance et leur appui. En même temps je m’étais acoquiné (c’est bien le mot) avec les chefs de la résistance locale ; la complicité de ceux-là (assassins, voleurs, maquereaux et si parfaits imbéciles qu’ils étaient tout à souhait) facilita grandement mes affaires. Aujourd’hui que la guerre est terminée, ces jeunes frappes ont jeté le masque tricolore, et c’est en procureurs, uniquement, qu’ils me servent. Pour de l’argent (ou plus préci­sément pour un peu d’or monnayé à l’effigie d’un Badinguet perclus) ils me fournissent en garçons, filles, enfants ou bestiaux tout ce dont je puis avoir besoin ; avec autant de zèle que chez des Napolitains…

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VIII

in L'anglais décrit..., Littérature

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VIII

Chapitre VIII : Chienneries

Et quand Mlle de Warmdreck lui eut fait part des ordres donnés, il les approuva fort :

On est toujours trop bon avec les enfants. Cette petite, par exemple, si vous n’étiez pas là, chère et inestimable amie, pour la corriger quand elle se tient mal, savez-vous qu’elle chierait et qu’elle mange­rait de la merde sur ma tête ! Je ne dis pas, d’ailleurs, que cela me serait absolument désagréable, mais chaque chose doit venir à son heure. Et que ce soit maintenant l’heure d’un peu de chiennerie, voilà qui est tout à fait excellent. Nous étions restés beaucoup trop longtemps sans nous donner ce plaisir-là, dont je raffole ; je suis sûr qu’il plaira aussi à notre ami Balthazar. Venez donc, les nègres auront achevé les préparatifs.

Nous retournâmes dans la salle à manger. Edmonde s’y trouvait en telle posture que nous l’avions laissée avant d’aller aux poul­pes, et son cul, sur la banquette, trônait dans le milieu de la rotonde avec une incompa­rable splendeur ; sous le meuble, il y avait une petite flaque sanguinolente, qui était tout le vestige du magnifique engin dont je l’avais gratifiée. La belle était revenue à la vie son teint rosé, ses yeux brillants, montraient que sans dommage elle avait absorbé l’énorme phalle, et qu’au besoin ou à la première occasion elle absorberait plus colossal encore, tant cette charmante fille était un miracle d’aptitude à la sodomie.

Elle eut pour moi un sourire aimable, quand je passai à côté d’elle, et me pria de pousser un peu la banquette, pour qu’elle ne manquât pas de voir ce qu’on allait faire à Michelette. Je la contentai, et puis la saluai, comme auparavant, d’une langue au trou du cul, car il me semblait que ce fût le baisemain qui convînt à une personne de son caractère et dans sa situation.Les autres s’étaient assis comme au théâ­tre, sur des banquettes rangées en demi-lune.

Devant eux, sur le plancher, je vis Michelette à quatre pattes, ainsi que pour jouer selon le naturel des gamines de son âge, mais je vis qu’elle avait un collier bouclé très étroitement à la nuque, collier de gros chien et qui portait des clous d’argent et des touffes de crin dur ; une courte chaî­ne, tendue de ce collier à l’un des anneaux fixés au sol, l’empêchait rigoureusement de se mettre debout. Sur le fond de bois noir, avec son corps de gosse réglée trop tôt, ses cheveux presque blancs, son fard étalé partout, les contusions et la saleté dont elle était couverte, c’était une délicieuse petite putain ; malgré ma décharge récente, et quoique je ne fusse pas au courant de ce qu’il lui faudrait subir tout à l’heure, j’éprouvais, rien qu’à la regarder, de furieux élancements dans les parties prétendues nobles.
— Te voilà bien arrangée, coquine, dit en riant Montcul. Sais-tu ce qui t’attend ?
— Elle le sait, pour sûr, lui répondit l’Alle­mande. Elle était là, et elle s’amusait, pendant le tour de piste de la baronne Séphora. Mais malheur à elle si elle ne reste pas bien à quatre pattes et si elle ne fait pas bien la chienne. C’est à moi qu’elle aurait affaire, et elle sait comme je peux être bonne…
Commençons, dit le maître. L’enfant se fatiguerait à cette position incommode, si nous ne lui donnions un peu d’exercice. Publicola va nous amener Nelson et Wellington ; et puis, quelqu’un de vous autres, je veux que l’on me porte ici mon grand poudrier sacripant.

Viola fut la plus diligente à lui présenter certain vaisseau qu’ils étaient allés chercher dans des coffres, sous les lits de fourrures. Quand il l’eut ouvert, pour m’en montrer le contenu, je vis une poudre brune, semblable à du tabac à priser.

— De la poudre attire-chiens, reprit-il, comme vous pouvez en acheter dans les magasins où l’on tient commerce de « farces et attrapes ». Autrement dit : sécrétions de chiennes en chaleur, que l’on dessécha et pulvérisa. Il est à peine croyable, pour fou que soit le code, que des drogues somme toute assez peu dangereuses, telles que l’opium ou le haschich, aient été soumises à cette stricte réglementation que vous savez et qui les rend de pratique difficile au commun des hommes, tandis que le présent ingré­dient, plus subversif qu’un appel aux barri­cades, est partout offert en vente libre. Imaginez, je vous prie, le beau scandale obtenu si vous en introduisiez quelques pincées seulement dans les défilés civils et militaires, les obsèques nationales, les retrai­tes aux flambeaux, les visites de souverains étrangers, les grandes assemblées sportives… Mais cela, dont je parle, est déjà dans Rabe­lais, qui a très clairement indiqué l’emploi de mon instrument profanateur (et sans doute l’avait-il expérimenté lui-même). Lisez plutôt, ou relisez, le chapitre vingt-deux du second livre. Vous y trouverez le plus utile enseignement quant au rôle de la poudre attire-chiens dans la perversion publique. Voyons, maintenant, comment elle Va servir la perversité privée.
Le nègre, entrouvrant la porte, annonça que les bêtes étaient là.

— Bien, poursuivit Montorgueil. Tiens-les attachées quelques instants. Je t’appellerai quand la femelle sera prête. Tu entreras d’abord avec Nelson. L’autre aura la secon­de passe.
Et il expliqua :
Nelson enconne et Wellington encule. Au moins les ai-je dressés à cela, de même qu’ils ont reçu de moi leurs nouveaux noms. Quand ils sont arrivés — ils étaient à la suite d’un officier allemand que m’avait fourni le maquis et qui succomba dans les expérien­ces avant que j’eusse pensé à m’informer du nom de ses bêtes
— ils ne savaient rien faire. Et encore, à Viola :
A toi d’opérer, dit-il, notre maquerelle attitrée. C’est un travail qui, par droit de coutume, revient à tes jolies mains. Les chiens te connaissent, ils t’aiment, ils bandent rien qu’à sentir ton odeur, si souvent les as-tu branles dans tes fonctions ou capricieusement.

Il remit le poudrier à la mulâtresse, qui alla se pencher sur les parties postérieures de Michelette. Je me penchai aussi, mais sans quitter mon siège, pour ne rien perdre du surcroît de tourment que l’on destinait à la malheureuse. Mon amie lui flattait douce­ment la croupe, ainsi que l’on fait aux chèvres quand on veut leur voir relever la queue pour offrir le vase que la nature a dévoué par excellence aux pratiques bestia­les, et elle lui passait la main sur la raie entre le con et le trou du cul. Puis, avec grand soin de n’en faire tomber, elle prit un peu de poudre, que ses doigts enfoncèrent dans le con tout ensanglanté. Sans prendre garde à quelque gémissement, elle oignit aussi, et méthodiquement, les lèvres du con, essuya sa main aux fesses ; ensuite, après avoir refermé la boîte, elle s’écarta de l’enfant quadrupède.
Nelson…, cria Montorgueil

Vers nous accourut un dogue de la plus grande espèce et dont la robe unie était de ce gris clair, assez sinistre, que désigne bien l’adjectif blafard et qui est précisément la couleur de la craie quand elle est mêlée d’impur. Ses oreilles, coupées en pointes, se dressaient comme de petites cornes trapues, au-dessus d’yeux à la prunelle vert pâle qui s’allumaient aux flammes des bougies comme ceux des chats. Il s’arrêta au milieu de la pièce et flaira, tandis qu’un peu de bave dégouttait de sa gueule, et alors sa verge devint raide et le gland saillit, écarlate, hors du fourreau velu.

Ces animaux bandent diablement vite, observa Montorgueil plus prodigue en com­mentaires qu’un montreur de pantomime. Celui-ci, pourtant, possède un engin d’un calibre que la plupart des hommes (je ne parle que des Blancs) lui envieraient.

Du chien, le groupe où j’étais n’eut que mépris. Déçu par notre odeur ou par notre immobilité, le féroce animal se lança d’abord contre Viola, qui seule était debout et qui avait trop manié l’extrait de chienne pour n’en pas conserver, sur elle, quelque relent. Il mit ses pattes sur les épaules de la femme (qui par un géant semblait invitée à la danse), la fit reculer, presque tomber, et il donnait de grands coups de reins où s’entrebaisaient sa verge et le duvet d’oiseau qui bordait le peignoir.

— A bas, Nelson, dit la belle intrépide. Tu auras mieux que moi, ce soir. Va piner la petite fille, bon chien.
Sans effort, elle se dégagea, et elle le pous­sa, qui grognait, du côté de Michelette. Dès qu’il eut flairé les parties saupoudrées, il se jeta sur l’enfant dont il prit le torse entre ses pattes, culetant sur un rythme tellement forcené que pas un de mes lecteurs, certaine­ment, mis à pareille épreuve ne l’aurait soutenue. Viola lui fît quelque Caresse, comme elle avait fait à la croupe de Miche­lette ; ses doigts longuement fuselés, ensuite, saisirent l’énorme verge, la guidèrent jusqu’au con dans lequel elle entra, floc, du premier coup, comme une cuiller dans le ventre d’un perdreau très mûr. Le dogue culeta vigoureusement pendant quatre à cinq minutes, sans provoquer aucune réac­tion, chez sa monture, que des sursauts de peine (mais je fis l’observation qu’il manquait un miroir, lequel, placé devant nous, eût montré le visage et peut-être les sentiments de l’exploitée), puis il s’arrêta et demeura stupide, tandis qu’une sale odeur de chenil envahissait la pièce. Gracchus vint le tirer en arrière, par la peau du cou. Avec des secousses terribles, il- déconna de force, cependant que Michelette, étranglée par le collier dont elle était retenue, hurlait, se démenait, et que son con déchiré par l’en­flure du nœud versait un nouveau flot de sang.

Vive l’Angleterre ! dit Montorgueil buvant d’un verre où la princesse de Warmdreck avait pissé dans du gin. Et maintenant, puisque la marine n’en peut plus, faisons donner l’armée. Envoyez notre gloire natio­nale numéro deux.

Le poudrier sacripant, dans les mains de Viola, fit son office une autre fois ; Nelson fut mis à la chaîne, piteux d’ailleurs et débandé ; alors la porte livra passage à Wellington, et je fus saisi vraiment de terreur, car celui-là, plus grand et beaucoup plus abrupt que son congénère, était noir de la tête aux pieds, hormis les crocs qu’il avait très blancs et puis les gencives, la langue et la verge qui étaient du même rouge tirant au lie-de-vin. Il bandait coriace au moment qu’il entra, excité peut-être par l’odeur qu’il avait pu flairer sous la porte, ou bien habi­tué au cérémonial de la chiennerie. Négli­geant Viola, ce fut à la petite fille, tout droit, qu’il courut, et il la saisit entre ses grosses pattes ainsi que Nelson avait fait ; mais il ne fut pas plus habile que lui à trouver seul où fourrer son engin. Comme il s’escrimait
assez maladroitement, quoique avec beau­coup de ressort dans le dard, Viola vint le guider à son tour dans le parvis du temple où il devait sacrifier. Ce n’est pas sans résis­tance qu’il enfila, jusqu’aux couilles, la rosette ; il cognait si fort, pourtant, qu’il fût venu à bout de l’un de ces culs mérinos, dont il se dit à Béziers que ce sont les plus opiniâtres.

L’enfant, jusqu’à ce qu’il eût fini, ne cessa de se débattre et de crier. Il semblait qu’elle fût devenue complètement folle ; mais dans cette folie même elle continuait d’obéir aux ordres reçus, et elle restait, comme une chienne, à quatre pattes. En déchargeant, selon toute probabilité, le dogue lui mordit cruellement une oreille. Après quoi, pareil en cela aussi à son prédécesseur, il tomba dans une sorte d’abattement.

Tous les efforts seraient demeurés vains à le faire déculer, tant s’était resserré le sphincter ou tant le nœud avait pris de volume dans le boyau, si l’on n’avait appor­té, en dernier moyen, un grand seau d’eau froide, lequel, projeté sur la triste paire, la désunit. Et le duc de fer alla rejoindre Lord Nelson.
— Cette fille a été réellement bien dépuce­lée, dit notre hôte, en guise de conclusion.
Personne ne répondit, si vides (ou comblés) étions-nous, qu’il semblait que nous eussions joui avec les chiens. Alors il reprit, à l’adresse de Gracchus et de Publi-
cola :
— Vous deux, emmenez-la. Amusez-vous d’elle de toutes les façons que vous voudrez. Mais qu’elle soit expédiée avant l’aube. Que je n’en puisse voir aucun reste ; que jamais je n’en entende plus parler.
— Fie-toi plutôt à moi pour cela, lui dit Luna, qui s’était levée avec les nègres.
Et elle les suivit qui entraînaient leur proie hurlante. Son visage portait un singulier sourire, entre l’égaré et le triomphal.

(à suivre)

Concours photo « Miss ADJ juin 2012 »

in Art, Arts Plastiques

Je vous rappelle les modalités de notre concours mensuel :

Le concours porte sur des photos personnelles, le critère de choix sera l’esthétique de la photo, mais il faut aussi qu’un élément évoque la soumission, et si possible que des éléments de la photo évoquent le mois concerné.

Il y aura donc une Miss ADJ chaque mois de cette année 2012.

Les gagnants de chaque mois recevront une entrée gratuite pour deux personnes à une soirée de leur choix (valeur d’environ 60€).

De plus, un calendrier 2013 sera édité, avec une page par gagnante et il sera offert aux lauréats.

Voici la photo qui a été choisie pour illustrer le mois de Mai 2013 :

De nombreuses photos très jolies nous ont été présentées. Certaines d’entre elles nous ont semblées tout aussi valeureuses que la gagnante, mais ne correspondaient pas à l’illustration du mois de janvier. Nous avons donc décidé de garder certaines de ces photos pour concourir pour illustrer d’autres mois !

La photo gagnante de Mai :

Alors, merci de m’envoyer vos plus jolies photos qui illustreront la soumission et le mois de juin (le jour le plus long, le fin du printemps,l’arrivée de l’été, etc…) par mail à g.berthou@hotmail.fr.

Merci de votre participation et bonne chance !